par Philippe Landry
Les désastres de la continuité écologique
Pierre Potherat, ingénieur géologue ancien ingénieur des travaux publics de l’État, auteur du livre « Si les truites pouvaient parler » écrit dans Moulins de France (revue de la FFAM) d’avril 2023 sous le titre « Retrouver la biodiversité » : « Au début du XXIe, avec l’application de la continuité écologique, l’effacement planifié des ouvrages a entraîné la vidange de leurs retenues d’eau amont. La force érosive du courant aidant, l’abaissement de la cote du fil de l’eau s’est accru et, en été, dans la partie amont des cours d’eau, la nappe alluviale a fini par être complètement vidangée en raison d’une recharge hivernale de moins en moins efficace au fil des ans. Les « assecs » estivaux sont devenus plus fréquents et plus étendus dans le temps. La nappe profonde qui bénéficiait des apports de la nappe alluviale a également peiné à maintenir son niveau, au préjudice de plusieurs sources de versants. La recharge de La nappe alluviale ne peut être efficace que si Les crues annuelles, que nous connaissions jusque dans les années 1960 et qui ne causaient pas de dégâts, reviennent régulièrement »
Jacques Mudry, docteur d’État en hydrogéologie, professeur honoraire de l’université de Besançon, commente en ces termes les travaux de Pierre Pothrat : « L’effacement des seuils a drastiquement abaissé la Ligne d’eau du cours, les cours annexes (bras « morts » , canaux, fossés, étangs) dont le rôle hydraulique était la recharge de la nappe superficielle assurant le débit de base en étiage. Une basse ligne d’eau draine fortement la nappe superficielle, ne lui permettant de soutenir le débit d’étiage. La solution consiste à assurer un débit réservé de la vidange de petites retenues n’a fait qu’aggraver la situation, en dilapidant les faibles ressources superficielles en étiage. D’un point de vue écologique, ces assecs sont catastrophiques, et il est urgent changer de mode opératoire. »
Henri Frochot, chercheur à l’INRA, commente également le livre de Potherat pour souligner que les crues peuvent être suivies de sécheresses d’autant plus graves : « La disparition des vannages et autres transforment les rivières en torrents qui surcreusent leurs lits, arrachent les berges, atrophient les nappes et les sources, et transforment de grandes portions de rivière en oued qui s’assèchent de plus en plus tôt. »
Patrice Cadet ajoute son grain de sel t donne son avisdans un grand article d’un ton pamphlétaire « La terreur verte a encore frappé. Mise en danger de la vie sur terre ». Il souligne que l’actuelle politique de continuité écologique est en contradiction avec l’accroissement du dérèglement climatique, lequel se traduit par l’assèchement des rivières. En posant la question « Est-ce que ces mesures (celles prises par l’Europe et la France) seront suffisantes pour que la biodiversité du 20e siècle survive au 21° », il exprime ses doutes très argumentés.
Il propose un autre article tout aussi excellent : « Seuils naturels et artificiels », qui évoque notamment l’accusation portée contre les moulins qu’ils seraient cause de la disparition du saumon, ce qui est évidemment absurde. Patrice Cadet insiste sur la responsabilité des grands barrages ainsi que des industries polluantes d’autrefois et d’aujourd’hui. Il ne manque pas d’accuser l’administration de « bidouillages statistiques ». Il souligne l’intérêt de l’œuvre des castors : leurs barrages sur les rivières reçoivent l’assentiment des écolos et du ministère.
Autre article en fin de numéro : à Genay (situé par erreur dans le Rhône) le journal de la Côte d’Or le Bien Public fait état de la colère des habitants de cette localité traversée par l’Armançon : un agriculteur propriétaire d’un ancien moulin a consenti à renoncer à son droit d’eau et laissé détruire son barrage, d’où la disparition du plan d’eau qu’aimaient la population et les pêcheurs locaux.
Remarquons enfin un article produit par Hydrauxois sur la disparition des zones humides depuis 1700.
L’interview d’un philosophe dans Télérama du 29 mars 2023 vole à notre secours. Ce monsieur, Baptiste Morizot, se consacre plus à la recherche sur l’environnement qu’à la pensée pure, et il étudie les castors : « En créant des barrages, ralentissant l’eau et la stockant dans les sols, le castor active la guérison des rivières ». Il insiste qu’on doit entrer dans une « ère de la réhydratation des continents, pour garder cette eau précieuse sur les terres » au lieu de l’évacuer le plus vite possible vers la mer.
Actualités des énergies renouvelables
Le dimanche 2 avril, Arte a diffusé un documentaire consacré à l’Espagne montrant que ce pays est en tête pour la recherche sur les énergies renouvelables. En particulier une séquence a été consacrée à un système solaire extraordinaire : des miroirs concentrent les rayons du soleil au sommet d’une tour remplie de sel. Celui-ci s’échauffe suffisamment pour faire bouillir de l’eau dont la vapeur fait marcher des turbines. Ce premier système alimente en électricité 25 000 personnes.
Le Journal du Centre du 21 mars consacre deux pages aux communes s’efforçant de faire des économies d’énergie voire de produire une énergie intéressante. On y lit notamment ceci : « La France est une mauvaise élève, c’est le seul pays européen qui n’a pas tenu les objectifs qu’il s’était lui-même fixés en matière de progression des énergies renouvelables », reconnaît Christophe Hurault, sous préfet de Cosne sur Loire et référent de l’État dans la Nièvre concernant ces questions. » Les efforts des collectivités locales portent souvent sur les réseaux de chaleur, lesquels brûlent un bois local, mais n’en sont pas moins émetteurs d’oxyde de carbone.
La double page se termine par un paragraphe sur les panneaux photovoltaïques : « En dehors des grands projets d’ombrières sur les parkings, qui font consensus, ou d’agrivoltaïsme dans les champs, qui font d’avantage débat, les communes ont la possibilité d’installer des panneaux photovoltaïques sur les toits de leurs bâtiments, école, gymnase, salle des fêtes »bâtiments dontllessonr propriétaire..
Michel Maya, maire de Tramayes en Saône-et-Loire, raconte comment sa commune est en tête pour les efforts fournis en matière d’économie, de production grâce à une chaufferie à plaquettes de bois locale, et en couvrant « l’ensemble de nos bâtiments » dont les sont propriétaires de panneaux photovoltaïques. « Le prochain objectif est effectivement que l’ensemble de la commune de Tramayes devienne un territoire à énergie positive ».
Le 7 avril, le Journal du Centre rend compte des débats du syndicat mixte du Parc naturel régional du Morvan lors de son assemblée du 6 avril. Ils ont été centrés sur « la question de la transition énergétique ». « Le Parc naturel du Morvan est garant de la protection de son patrimoine naturel, paysager et culturel. » rappelle l’article. « Le Parc espère trouver un équilibre entre les ressources disponibles et renouvelables, sa contribution énergétique, que les projets soient acceptés par tous, ou du moins le plus grand nombre et dans le respect des spécificités du Parc… Chaque projet devra avoir un rapport direct avec la transition énergétique ». A propos du respect des paysages, j’aimerais lire la même chose quant à la continuité écologique des rivières.
Eolien
Au niveau local, les remous continuent, comme le montrent les articles suivants du JC :
- 24 mars : la crise est telle à Annay, en Puisaye, que le maire et ses conseillers ont démissionné, sauf un, hostile aux éoliennes.
- 27 mars : St-Martin et St-Quentin sur Nohain : de nombreux habitants hostiles à un projet d’éoliennes géantes ont saisi les tribunaux administratifs. La cour d’appel administratif de Lyon a rejeté leur requête, sauf sur un plan : le respect du couloir migratoire des oiseaux. L’auteur du projet doit constituer un dossier à ce sujet.
- 4 avril : « Une conférence est organisée par l’association Sauvegarde en sud Morvan », cela à la salle des fêtes de Luzy. Une habitante de Loire Atlantique accuse les éoliennes de rendre ses vaches malades. « Une étude réalisée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) en 2017 conclut à une mortalité de 0,3 à 18,3 oiseaux et par an, selon les parcs » et je suppose par éolienne géante. Le 19 avril, le JC rend compte de la réunion avec photo des intervenants.
- 13 puis 29 avril : un projet d’éoliennes géantes suscite des réactions hostiles à Bazolle et dans les communes proches de l’étang de Baye. La cour administrative de Lyon ayant rejeté leur requête, le Conseil d’État est saisi. Il estime que sur le chapitre de la protection due aux « espèces protégées », l’étude n’est pas satisfaisante : il renvoie le dossier à la cour administrative de Lyon.
- 15 avril : affaire des éoliennes de St-Germain des Bois et communes proches. La validation du projet d’éoliennes géantes par le Conseil d’État n’apaise pas les tensions ; les maires cherchent d’autres moyens de s’opposer au projet, comme rendre impossible l’emprunt des chemins ruraux. Sollicité de réexaminer le permis de construire, le conseil municipal de Lys s’y refuse.
- 20 avril : à Maux, près de Moulins-Engilbert, « Le promoteur du projet éolien de Maux poursuit ses études », malgré l’hostilité denombreuxl habitants, lesquels sont venus à une réunion publique « houleuse » le 14 mars.
Photovoltaïque
Surprise : de source autorisée, on apprend que notre amie Françoise dispose désormais de 12 panneaux photovoltaïques en son moulin de Bona. Dans les milieux généralement bien informés, on s’accorde à penser que ce nombre 12 fait référence à la « loi des nombres », donc au mythe qui fait de ce nombre celui de la complétude (les 12 mois de l’année, les 12 travaux d’Hercule, les 12 apôtres, etc). Les observateurs soulignent comme cela fait du moulin de Bona le premier moulin mystique de la Nièvre.
18 avril : Double page du JC «L’énergie solaire pousse dans les champs ». De nombreux agriculteurs sont incités à consacrer de la surface à des panneaux photovoltaïques. Cela génère un bon revenu complémentaire : un agriculteur déclare qu’il en tire 15 000 euro par an. La Chambre d’Agriculture fait savoir qu’elle soutient les projets tant qu’ils ne couvrent pas 50 % de la surface disponible, et cela dans la limite de 2 000 ha pour tout le département.
A Germenay-Dirol, le projet de couvrir de bonnes terres agricoles par des panneaux photovoltaïques continue de soulever les boucliers : un recours est déposé contre le permis de construire qu’a signé le préfet de la Nièvre. (Journal du Centre 31 mars)
A Clamecy, il est question de construire un parc photovoltaïque du côté de Sembert le Haut, au lieu-dit Les Cailloux, sur une ancienne décharge et autres terrains incultes. Le conseil municipal en a débattu, avec une conclusion plutôt favorable (Journal du Centre 8 avril).
Dans un article relatant l’assemblée générale des Jeunes Agriculteurs de la Nièvre, le Journal du Centre du 15 avril cite un exploitant qui a « investi dans le photovoltaïsme : « C’est le meilleur investissement que j’aie fait ! » lance-t-il, conquis. » Le revenu ? « 15 000 balles par an».
Curiosité à Chevenon : est en projet « Une centrale voltaïque flottante ». Affaire évoquée en conseil municipal. (Journal du Centre 19 avril).
L’hôpital de Nevers envisage d’équiper son parking d’ombrières portant des panneaux photovoltaïques (Journal du Centre 29 avril).
Méthaniseurs
Le Journal du Centre du 11 avril annonce que 2 méthaniseurs vont être construits à Moulins-Engilbert, lieu-dit La Croix-Guillier. Ils détruiront les déchets végétaux pour fournir du gaz qui sera affiné à Cercy la Tour. Le site de La Croix-Guillier, espère-t-on, pourrait créer quelques emplois.
Hydrogène
Schiever, la firme de supermarchés, dont le siège est à Avallon, compte faire marcher ses camions à l’hydrogène produit localement. La station de fabrication, plutôt sur Magny, sera en service d’ici la fin de l’année 2023. Elle fonctionnerait grâce à des panneaux photovoltaïques. Le 17 avril, le fabricant de moteur de course automobile de Magny-Cours exprime son scepticisme quant à l’abandon du moteur thermique et son remplacement par un moteur à hydrogène.
Plus important, soudain : Le Canard Enchaîné du 18 avril 2023 fait savoir que des scientifiques tâchent de faire connaître leur inquiétude : c’est que l’hydrogène est un produit qui s’enflamme facilement, et qu’un véhicule l’utilisant comme combustible ne pourra stationner dans un parking souterrain ni fermé, ni entrer dans un tunnel.
JOURNAUX
Le Journal du Centre
Le Journal du Centre
30 mars et 7 avril deux évocations du travail de nos amis du moulin de Maupertuis à Donzy :
. 30 mars : « Une année en demi-teinte à Maupertuis » : compte rendu de l’assemblée générale de l’association. Le nombre des entrées repart à la hausse, mais « on n’a pas retrouvé les 2 300 entrées des périodes pré-Covid avec la clientèle scolaire et des centres de loisirs ».
. 7 avril « Maupertuis est labellisé qualité tourisme » ; le rôle de notre ami Georges Narcy est évoqué dans l’article. « L’ouverture de la saison se profile sous les meilleurs auspices ».
5 avril : « Les étangs toujours davantage délaissés » : grand article annonçant l’assemblée générale des propriétaires d’étang et les nombreux problèmes qu’ils rencontrent ; certains sont très proches des nôtres puisqu’ils sont victimes de la politique de continuité écologique… en peut-être plus absurde si c’est possible.
14 avril : St-Pierre le Moûtier moulin à vent des Eventées. Le journal annonce les dates d’ouverture : 16 et 30 avril, 18 mai (avec brocante annuelle), 11 juin. Prix d’entrée 3 F par adulte et 1 F par enfant. Jolie photo du moulin avec ses ailes bien rouges sur fond très blanc de la façade du moulin.
28 avril : annonce de la « Brocante vide-grenier du moulin de Maupertuis » qui se tiendra le 7 mai de 9 à 19 heures.
Revues
Moulins de France n° 134 d’avril 2023 (outre l’article « Retrouver la biodiversité. Si les truites pouvaient parler » de Pïerre Potherat, et ceux de Patrice Cadet évoqués plus haut) :
– J’ai une fois de plus l’honneur que la revue publie un de mes articles sur les moulins de Bourgogne, cette fois « A qui ont appartenu les moulins ? ». Parmi les illustrations plan d’Entrains sur Nohain et des paroisses proches de 1655, moulins des Viollots à Roussillon en Morvan et de Chissey, cartes postales de Lormes, Luzy, Surgy, Villeneuve-l’Archevêque, photo du moulin du Commandeur à Donzy, gravure de Chitry les Mines, etc.
–
« Le Monde des Moulins », revue de la FDMF, n°84 avril 2023.
– Annonce des Journées européennes des Moulins et du Patrimoine meulier des 20 et 21 mai 2023.
-Restauration du moulin à vent de Puydrouard à Forges en Charente-Maritime.
Petit article sur un établissement dont je crois je n’avais jamais entendu parler, « l’écomusée du moulin des Massons », à St-Bonnet le Courreau dans la Loire, ouvert à la visite de février à fin novembre. Le moulin est à huile.
– A St-Léonard de Noblat, le moulin du Got, « dernier moulin à papier du Limousin », fête les 20 ans de sa transformation en musée. Sa responsable était venue faire une conférence à La Charité il y a une quinzaine d’années.
– Petit article sur les moulins d’Ukraine, avec la carte postale d’un moulin-bateau.
– L’association des moulins et meuniers d’Irlande publie une revue : « Grist to the Mill ».
– Articles sur deux restaurations, d’une part celle d’une « roue centenaire » en Indre et Loire, d’autre part celle du moulin à vent cavier de Turquant dans le Maine et Loire : dans un moulin-cavier typique de l’Anjou, la cage dite « hucherolle » tournait autour d’un axe et les meules pouvaient être installées sous les fermes porteuses, dans une cave, d’où le nom de moulin-cavier.
Télévision
12 avril émission de FR3 Secrets d’Histoire consacrée à d’Artagnan ; à propos de sa femme, qui se retira en ses domaines de Ste-Croix, l’actuelle Saône-et-Loire, différents aspects du site sont montrés, dont le plan d’eau qui devait exister déjà à l’époque pour animer un moulin ; j’ai reconnu le moulin de St-Croix, une immense bâtisse XIXe siècle.
Divers
Un catalogue des choses à voir sur l’île d’Oléron me tombe par hasard sous les yeux ; je remarque deux moulins sur lesquels me semble-t-il je n’avais rien :
& Le moulin à vent de la Plataine, à Bourcefranc-le-Chapus : superbe restauration ; « les ailes fonctionnent de nouveau et la maison meunière abrite un four à bois » ; ailes faites de larges panneaux de bois.
– Magnifique moulin à marée des Loges situé à St-Just-Luzac : un grand bâtiment chevauchant le chenal, avec un étage, « au coeur des marais de la Seudre ». « Pendant plusieurs siècles, ce moulin à marée va utiliser la force du phénomène des marées… Lorsque la mer monte, l’eau s’engouffre dans le ruisson des Loges, passe sous le moulin et vient remplir un immense réservoir, le monard. A marée basse, le meunier, en ouvrant la vanne qui maintenait le monard fermé, libère l’eau qui va entraîner le mécanisme de la roue du moulin ». Ce moulin insolite vu comme les moulins à marée sont devenus rares bénéficie d’un programme de réhabilitation par « le Conservatoire du Littoral ». NB : les mots « ruisson » et « monard » sont dans le texte.
Exposition :
A St-Sauveur en Puisaye s’est brièvement tenue, du 28 au 30 avril, une exposition commémorant l’œuvre de l’excellent photographe local Lucien Blin. Deux moulins de Treigny remarqués, un à eau (Dominique Mathias m’a dit qu’il s’agit d’un ancien moulin « à laitier », donc qui pulvérisait le déchet des anciennes forges pour en tirer la matière à faire le vernis des poteries), et un à vent aux ailes en ruines.
Bulcy :
Notre amie Françoise Radoux, qui fait partie de l’association qui s’efforce de restaurer l’église de Bulcy, près de La Charité sur Loire, m’avait suggéré de venir à la petite fête avec exposition et conférence organisée le 30 avril. Or je venais de trouver la carte postale ci-dessus du moulin de Bulcy, qui appartint à l’abbaye de La Charité.
J’ai donc fait une photo pour comparer ; il me semble qu’on distingue mieux sur la photo l’emplacement de la roue disparue (à droite sous un abri) et le déversoir de trop-plein.