par Philippe Landry
Les moulins de St Hilaire-Fontaine
En 1719, le maréchal Hector de Villars acquiert la seigneurie de La Nocle dont la terre d’Olny et Port-Tarreau, laquelle comprend « un moulin à blé sur la Cressonne », mais ce peut être aussi bien le moulin au Loup que celui de Tharaud. (Rf : Marthe Gauthier, « Au carrefour de trois provinces » tome 2).
La carte de Cassini dressée dans les années 1740 indique à St-Hilaire-Fontaine le moulin au Loup, cela sur un ruisseau affluent de la Cressonne.
Au moment de la Révolution de 1789, il apparaît que la seigneurie du fameux comte de Voguë, centrée sur Fours, s’étendait jusqu’à St-Hilaire-Fontaine, où il détenait une « rente » féodale de « trente boisseaux seigle et trente deux boisseaux froment » sur le moulin de Tareau, appartenant à Pierre Rizard ; en principe une telle rente impliquait qu’autrefois le moulin avait appartenu au seigneur, et qu’il l’avait vendu non sans en conserver un revenu certes mineur (Archives Départementales de la Nièvre 1Q1589).
Le plan cadastral de 1819 montre le moulin au Loup au pied d’un grand étang en fait résultat de l’élargissement du ruisseau qui sur certaines cartes porte son nom.
En 1815 le moulin au Loup appartient à Diomède François Henri comte de Clerc Ladevere ; il afferme « la propriété appelée Moulin au Loup » à Louis Givalois, lequel se définit comme « propriétaire et meunier » (propriétaire au sens où il possède des parcelles de terre dans les environs). Le contrat contient la description de la dite « propriété » :
« 1° Un corps de bâtiment où se trouve, comme en dépendant, un moulin à farine en activité garni de ses pierres de moulage,pesage et autres objets propres à son service » (suivent des mots difficiles à lire où il est question de l’étang qui alimente le moulin).
2° « Un autre corps de bâtiment » (la suite, également à la graphie peu accessible pour moi, implique la maison d’habitation du meunier).
Les paragraphes 3 à 6 évoquent les parcelles adjacentes au moulin de nature agricole. Suivent de nombreux articles concernant les obligations du preneur, très délicats à déchiffrer.
« Le présent bail à ferme est fait aux conditions ci-dessus… moyennant la somme de Neuf Cent Francs par an que le dit Louis Givalois promet et s’oblige de payer annuellement au dit sieur Deladevere en deux termes de quatre cent cinquante francs » le 11 mai et le 11 novembre. En garantie, Louis Givalois hypothèque ses biens. (AD notaire Cortet 3E11/4).
Les matrices cadastrales indiquent qu’à St-Hilaire Fontaine, dans les années 1830, il y a 2 moulins dont le revenu fiscal net total est de 400 F. par an.
En 1867, Pierre Chutet a le moulin plan 141 dit moulin de Tarreau, en 1853 revenu fiscal net 66,67 F. Givalois a ensuite ce moulin plan 141, dont le revenu fiscal net est porté à 200 F, mais démoli en 1865.
Le vicomte de Bouillé domicilié à Nevers, gros propriétaire dont la liste des parcelles couvre 12 pages de 40 lignes, a le moulin au Loup plan 181 revenu fiscal net 200, « démoli » en 1839. (3P245/2).
Indiqué comme « démoli » en 1865, le moulin Taraud a dû être achevé par cet incident que rapporte « Les Annales des Pays Nivernais » n° 182 de juin 2021 : « Un village et la Loire au XIXe siècle, Port Thareau à St-Hilaire-Fontaine ». Le bâtiment du moulin du port Thareau est encore debout lorsqu’il est submergé par la terrible crue de la Loire de 1866. Les secours recherchent les personnes en détresse : « Nous dirigeons notre expédition ver le moulin de Tareau où nous savons se trouver une vieille femme infirme et malade que nous trouvons au grenier avec sa famille. Nous voyons entrainer par l’eau les premières poutres du moulin et nous nous trouvons dans un courant si rapide que nous ne sommes plus maîtres de notre embarcation ». Le bâtiment moulin doit avoir été fermé pour cause de son mauvais état, puisque ses poutres sont assez accessibles à la crue pour les emporter.
Indiqué plus haut comme « démoli » en 1839, Le moulin au Loup est toutefois reconstruit puisque le dossier 3E60/32 de 1859 montre que Joseph Deleume, son propriétaire et meunier, est assez aisé pour prêter cette année-là 300 F. à des voisins agriculteurs.
Je pense que c’est lui dont en 1888 les statistiques industrielles indiquent qu’il occupe un contremaître travaillant 12 heures par jour et 3 ouvriers 14 heures, cela pour un salaire quotidien de 2,50 à 2,75 F. (M6335).
Le dossier 2P557 contient le registre des « Contributions foncières » 1881 : Joseph Deleume y apparaît comme propriétaire au Moulin au Loup, et assure une contribution de 26,12 F ; il est équipé d’une voiture et d’un animal de trait. Ernest Grivalois est « cultivateur au moulin Lavenne » : un autre moulin aurait-il existé autrefois en plus de celui du Loup et celui du Port Tharaud ? (Plus tard Ernest Grivalois apparaît domicilié à Port-Tharaud).
Le registre des contributions 1889-90 indique Gabriel Maréchal meunier au Moulin au Loup, pour 31,27 F.
Dans son Dictionnaire géographique de la Nièvre de 1896, Vallière cite Le moulin au Loup comme en activité, ajoutant qu’il compte 14 habitants.
Le 7 juin 1899, Le Journal de la Nièvre livre ce fait divers : « Vendredi dernier, un enfant de 12 ans, Auguste Theveniault, était allé s’amuser au Moulin aux Loups, Le meunier était absent, le moulin arrêté. L’enfant visite en amateur et, pour mieux tout voir, grimpe jusqu’à l’arbre de transmission. Tout à coup, le moulin se met en marche et l’enfant commence à tourner, s’accrochant désespérément au pilier et poussant des cris. Chaque tour le serrait davantage, et la mort n’était pas loin. Heureusement, les 2 employés du moulin, Jean Tissier et Gabriel Savre, qui, au retour des champs, avaient ouvert le biez, entendent les cris. Ils voient le danger et, sans perdre un instant, se précipitent l’un vers le biez, l’autre vers l’intérieur pour tout arrêter. Il était temps. Une seconde de plus, un peu moins de présence d’esprit de la part de ses sauveteurs, et l’enfant était perdu. A peine put-on, pour le détacher, passer un couteau entre la chair et ses vêtements. Le pauvre petit, victime de son imprudence, en sera quitte pour une jambe cassée et quelques contusions assez graves à la poitrine, mais qui ne mettent pas sa vie en danger. Aux deux sauveteurs, nos félicitations et la reconnaissance de la famille. » (cité par « JPdev » qui a mis sur internet sa recherche sur la toponymie des lieux-dits dont le nom évoque le loup le 31 mai 2009).
Le dossier 2P557 pour les années 1908 à 1936 n’indique aucun meunier travaillant sur la commune de St-Hilaire. Le moulin au Loup est habité par des « poseurs » ; il s’agit des ouvriers qui entretiennent les voies de la ligne de chemin de fer de Paris à Gilly sur Loire, notamment le segment entre Cercy la Tour et Bourbon-Lancy, qui passe à St-Hilaire où il a une gare.