Les Moulins de la Cressonne – 4 –

Histoires des moulins

par Philippe Landry

Les Moulins de St Seine

La seigneurie de Ternant dispose de deux moulins à La Loge en 1539 comme en témoigne le texte de l’hommage de la demoiselle titulaire de la seigneurie au duc de Nevers « Le grand étang de la Loge, où il y a deux moulins qui sont banaux, où vont tous les habitants de ladite terre moudre leurs bleds sous peine d’amende et confiscation des bleds et farines, et peuvent valoir par an 100 bichets de grain. » (Mémoires de la Société Académique, voir chapitre sur Ternant). A une époque inconnue le site compte trois forges. En 1719 c’est une forge déjà avec moulin annexé, lequel demeure banal (cf Marthe Gauthier, « Au Carrefour de Trois Provinces » tome 2).

Ici surgit une difficulté que nous retrouverons : le ruisseau, venant de Savigny Poil Fol, et qui alimenta cet étang de la Loge, donc ses moulins, puis sa forge et le moulin qui lui sera annexé, s’appelle « ruisseau du moulin du Comte », et le dit moulin annexe certains l’appelaient « moulin du Comte ». Or je trouve un moulin du Comte sur cette paroisse, J’émets l’hypothèse que deux moulins ont porté ce nom, un sur chacune des deux paroisses en question, Savigny Poil Fol et St-Seine. J’émets d’ailleurs une autre hypothèse : la vallée de la Cressonne échut un jour au comte de Nevers ; j’avance donc que peut-être c’est lui qui a suscité la création des deux moulins en question, d’où leur nom de « moulin du Comte » ; comme le comte de Nevers est devenu duc en 1538, cela impliquerait que les deux moulins existaient avant cette date (on en est sûr pour celui de la Loge).

Les auteurs du livre « La Nièvre Royaume des Forges », écrivent : « Le 1er janvier 1754 le marquis de Poyanne afferme pour 18 ans, pour 2 000 livres par an, à Joseph Mollerat, la forge de la Loge, le moulin de Vandenesse et le cours d’eau ». Je me demande s’il n’y a pas une erreur à propos de ce dernier moulin : Vandenesse, c’est loin, et on va voir que constamment un moulin à blé aura été annexé à la forge de la Loge. 

A la veille de la Révolution, le contrat par lequel le sire de Voguë afferme ses biens évoque à la Loge une forge et un moulin, à quoi il faut adjoindre trois domaines agricoles ; tout cela est affermé à un sieur Baltazard rien moins que 7 000 livres. Je suppose qu’il sous-afferme la plupart des unités distinctes. (Archives Départementales 1Q1590).

Comme le sire de Voguë émigre, la jeune République confisque ses biens et les met en vente, précédée par un état des lieux. C’est alors un ensemble assez extraordinaire ; le dossier 1Q1592 en livre une longue description, dont j’extrais : 

1) Un grand bâtiment comprenant le logement du « fermier » (la personne à laquelle l’ensemble est « affermé »), construit en pierre et couvert à tuiles, doté de plusieurs pièces dont une cuisine, etc…

2) Un autre corps de bâtiment contenant 7 chambres ou cabinets, « couverture en mauvais état ».

3) Un « fournier » qui me paraît assez vaste (dimensions difficiles à lire).

4 et 5) Bâtiments divers proches de l’étang de la Loge.

6) Ecurie à chevaux.

7) Deux corps de bâtiment proches de la halle de la forge, plus un petit bâtiment, « le tout en mauvais état ».

8) Obscur paragraphe où il est entre autres question de poulailler.

9) Halle de la forge.

10) Un « corps de bâtiment » au-dessous de la chaussée dudit étang où est situé un « moulin faisant farine », mais une phrase obscure semble indiquer qu’il ne peut marcher que quand la forge est à l’arrêt. Il est en « pierre, chaux et sable et couvert en thuilles, de la longueur de quatre toises deux pieds et  largeur de trois toises quatre pieds, avec cheminée, couvert en mauvais état »…

21) Etang de la loge empoissonnant deux milliers environ ». 

Etc…  Il y a verger, jardin, etc.. . A l’époque même une forge industrielle garde une partie agricole.

La forge de la Loge, moulin et étang, dont le revenu est estimé à 950 F, constitue un ensemble estimé 13 100 F. Les terres sont elles estimées 9 900 F, à quoi s’ajoute un « héritage » estimé 4 620 F. Total : 31 980 F.

Le dossier 1Q1598 contient une description encore plus précise du moulin de la Loge (et nettement plus lisible).

« Il  été reconnu que le châssis de la porte de la chambre du moulin est en mauvais état, ainsi que la porte étant à deux battants garnie de quatre bandes quatre gonds  ou bois un volet de fer… 

La porte de la chambre du meunier donnant sur la rue garnie de deux bandes deux gonds…

La cheminée garnie d’une plaque de 20 pouces au quarré et un crampon…

Il a été reconnu au moulin que l’empoutrerie en fuseau de fonte le rouet en bon état l’arbre de roui aussi que la roue neuve le dit moulin au meilleur état et en état de tourner.

La huche pour recevoir la farine en bon état… »

Suivent les descriptions des pelles et de la bonde de fond de l’étang, comme par exemple « la charpente de la bonde moulinière posée à neuf ».

François Parent la Garenne, qui se définit comme maître de forge à St-Seine, acquiert en l’an 4 « la ferme de la Loge comprenant forge, moulin, étang » tout cela pour 36 900 F.

C. Roy écrit dans son grand ouvrage « Quatre-Vingts moulins autour d’Issy l’Evêque » : « La forge de la Loge à St-Seine et le moulin du Comte avaient le même propriétaire en 1812 ; M. Granger, habitant Paris, puis MM. Parent et Chauchon en 1829 », information qu’il a puisée dans le dossier des Archives de Saône et Loire 3E24280. Il insère cela à propos de Savigny Poil Fol, alors que la forge et son annexe moulin dit « moulin du Comte » sont sur St-Seine.

En 1818, la forge de la Loge appartient à M. Parent associé à un M. Maugue. Le bâtiment tout en rez-de-chaussée contenant les marteaux à forger est équipé de trois roues égales. Un plan, de 1842, montre une haute cheminée.

Les matrices cadastrales indiquent qu’à St-Seine vers 1830 il y a : une forge numéro de plan 20 à MM. Parent et Maugue, revenu fiscal net annuel 1500 F, une tuilerie également à eux plan 331 revenu fiscal net 150 F. (passera à Thevenot à 1882), et un moulin revenu fiscal net 150 F., mais sur lequel je n’ai rien trouvé d’autre, sinon l’existence d’un lieu-dit « le » ou « les » Moulins Réty, numéros de plan 14 et 16, hélas sans moulin en activité. La proximité du numéro avec celui de la forge invite à penser qu’il s’agit du moulin proche de celle-ci, et qui sans doute vient de fermer. Parent et Maugue procèdent à la démolition de la forge en 1863 (elle ne fonctionne sans doute plus depuis déjà quelques années).  ( 3P268/2)

Les enquêtes administratives de 1840 et 1848 indiquent que la commune de St-Seine n’a alors plus de moulin en activité (AD S4168 et 4174).