Promenade aux moulins de l’Yonne
A propos du neuvième centenaire de l’abbaye de Fontenay, qui m’aura décidément bien occupé l’esprit, Vera m’a proposé de jeter un coup d’œil sur les moulins proches de l’abbaye de Pontigny, dans l’Yonne. Rappel géographique : Pontigny se trouve sur le Serein, rivière née en Morvan tout près de Saulieu ; elle ou ses affluents ont animé nombre de moulins comme ceux de La Roche en Brenil toujours dans le Morvan, celui de Bourbilly au pied du château de ce nom qui appartint à Ste Jeanne de Chantal, plus loin des moulins à Noyers et Montréal ainsi que Chablis, etc… Fondée en 1114, l’abbaye de Pontigny fut considérable et très riche. Les plans montrent que son moulin fut accolé à son enceinte, tout près de son entrée. Il bénéficiait d’un bief lui apportant beaucoup d’eau du Serein. Trois anciens moulins sont aujourd’hui observables à Pontigny, sachant qu’ils ont dû être construits après 1800.
– Sur le site de l’ancien moulin de l’abbaye accolé à l’enceinte, un assez grand moulin, de 3 niveaux, chevauchant le bief. Les fenêtres arrondies indiquent un style de la seconde moitié du XIXe siècle. Malgré la sécheresse de 2018, on voit que fin octobre le bief ne manque pas d’eau.
– Tout de suite après sur le même bief un immense moulin, composé de deux bâtiments joints, dont un de 4 niveaux (qui surmonte le bief) et l’autre de 5 (un bâtiment dans la cour, plus petit, semble avoir été une annexe de cet immense moulin. Le style est le même qu’au précédent.
– Un troisième bâtiment, enjambant tout le bief, a sans doute eu une fonction hydraulique. Petit, bas, nanti de grandes fenêtres, il a un style plutôt XXe siècle.
A Ligny le Châtel, un coquet petit village entre Pontigny et Auxerre, le moulin, petit, d’aspect très ancien, vient de recevoir une roue magnifique. Nous en avions parlé dans les Nouvelles meunières, suite à un article dans l’Yonne Républicaine du 15 avril 2017.
A Ligny le Châtel, dans le Chablisien, un petit moulin d’aspect très rustique a produit de l’électricité depuis 2017 grâce à une belle roue toute neuve (nous en avions parlé dans les Nouvelles meunières l’an dernier). Un petit article lui sera consacré dans un prochain bulletin.
Aux Archives Départementales d’Auxerre
Vera et moi avons également exploré quelques dossiers aux Archives Départementales de l’Yonne. En particulier nous avons trouvé le plan du moulin de Sully, à St-Brancher, en 1866. Le moulin de Sully est celui que vient d’acquérir Charles Champetier et auquel nous avons consacré un reportage dans un récent bulletin. Appartenant au sieur Guibier, il avait une roue qui paraît plutôt petite, à augets alimentée par le dessus.
Non loin à St-Germain des Champs, sur la Cure, vu des plans du fameux moulin de Lingout et de celui du Gour Noir (qui fonctionnait bien en 1880, même s’il eut une existence éphémère). Nous avions parlé de ces deux moulins dans des bulletins consacrés l’un à cette partie du Cousin, l’autre à la Cure dans sa partie du département de l’Yonne. Autre dossier : celui du moulin de Gingon, à Pierre-Perthuis, toujours sur la Cure. Ce fut un joli bâtiment aujourd’hui effondré. Le plan des AD montre une roue à deux fois 6 bras, lesquels sont constitués de madriers se croisant autour de l’axe.
Par contre, je reviendrai dans un prochain bulletin sur les moulins de St-Père sous Vézelay, dont un du Val du Poirier.
Actualités des énergies renouvelables
La revue Biocontact, septembre 2018, contient un article assez important « Les énergies renouvelables en plein essor ». Il passe en revue les énergies renouvelables sur lesquels on compte de plus en plus, la récupération de la chaleur, l’électricité, le photovoltaïque, « les panneaux solaires thermiques ». Il rappelle les objectifs affichés par l’État : que ces énergies assurent 23 % de nos besoins en 2020… Non sans ajouter dans le paragraphe de présentation : « Il est clair que nous ne serons pas au rendez-vous à cette date ! »
Dans un autre article, « La pauvreté énergétique au cœur des inégalités mondiales », un sous-titre me paraît pertinent : « Quelle énergie pour demain ? ». Les auteurs citent les exemples de plusieurs pays du tiers-monde où ont lieu des initiatives novatrices. Mais on en revient toujours au renouvelable, et me semble-t-il à la faible volonté des états et des hommes politiques dans ce domaine.
Hydroélectricité
Hydroélectricité
Le double discours de l’État : le préfet de la Manche autorise, sous prétexte de continuité écologique, la destruction de deux barrages hydroélectriques sur la rivière La Sélune, à 30 km du Mont-St-Michel (Journal du Centre, 1er novembre 2018). L’État peut continuer à déclarer être favorable au développement des énergies renouvelables. mais dans les faits nous ne retrouvons pas cette volonté.
Eolien
Projets éoliens dans la Nièvre : Sur le site de St-Pierre le Moûtier et Langeron, l’enquête publique est ouverte jusqu’au 7 décembre. Partisans et adversaires peuvent ainsi consigner leurs observations. La société Nordex propose plusieurs éoliennes, d’une hauteur de 180 m en bout de pales.
Projets éoliens dans le Morvan partie Yonne : Le 20 juillet, l’Yonne Républicaine fait état de la discorde qui se poursuit à propos du projet d’éoliennes à St-Léger-Vauban. L’un des nouveaux arguments des adversaires est qu’elles se verraient depuis l’esplanade à l’arrière de la basilique de Vézelay.
JOURNAUX
Le Journal du Centre
Le 2 novembre, gros dégâts suite aux chutes de neige dans le beau domaine de Forgeneuve, à Coulanges, où nous sommes si bien reçus chaque premier week-end de juin. Notre ami Jean-Luc Martinat déplore que le poids de la neige a brisé de nombreuses branches, mutilant quelques arbres dont des espèces rares. « Les feuillus ont plus souffert ».
L’Yonne Républicaine
27 juillet et 27 septembre : Démolition des anciens moulins Dumée à Sens. N’aurait-on pas pu mieux en conserver le souvenir ?
31 juillet : Toute une page intitulée « Le Cousin, une rivière au régime sec ». La sécheresse exceptionnelle a transformé du cours d’eau en ruisseau, d’autant qu’on a cru bon de supprimer quelques seuils. L’article évoque d’ailleurs la suppression pour cause de continuité écologique d’un étang historique, celui de Bussière sur la commune de Bussière-Cordois, en amont d’Avallon. Un grand étang qui me plaisait beaucoup (il anima autrefois le moulin de Bussière), on peut féliciter l’administration pour l’embellissement du paysage. En tout cas on s’aperçoit qu’en période de sécheresse, l’absence d’un tel réservoir d’eau est préjudiciable. Le deuxième article de la page évoque la nécessité de préserver « les zones humides »: la loi le prévoit aussi, Mais ne semble pas primer sur la continuité écologique.ça a l’air de venir bien après la continuité écologique.
27 juillet : « Clamecy, l’histoire des moulins, des tanneries et lavoirs évoquée lors de la visite de l’Office du Tourisme ».
En effet, le quotidien du département voisin évoque volontiers ce qui se passe dans la Nièvre en zone limitrophe. Il s’agissait d’une promenade dans le secteur du bief des moulins qui emprunte l’eau au Beuvron.
27 octobre : article sur le livre de M. Yves Fougerat sur Neuvy sur Loire, commune de la Nièvre. On se rappelle que l’usine de pneus Fougerat, installée sur le site d’un ancien moulin, utilisa la force hydraulique. Elle conserve des turbines qui semblent en état de marche.
REVUES
Le Monde des Moulins n° 66 d’octobre 2018
Une meunière extraordinaire
Ce numéro est essentiellement consacré à un dossier assez extraordinaire : la correspondance du meunier des Riceys, commune de Ricey-Haute-Rive dans l’Aube, avec sa femme tandis qu’il était mobilisé au front pendant la guerre de 1914-18. Le dossier rejoint deux sujets que nous avons développés dans notre bulletin :
– D’une part la mobilisation des meuniers a conduit des femmes à prendre en main la direction de moulins.
– D’autre part la pénurie de blé en 1917 et 1918 a mené à des problèmes d’inflation et de tricherie par rapport à la qualité des farines produites.
Or la meunière du moulin des Riceys apparaît comme une femme d’affaires pas toujours en phase avec la loi et l’honnêteté. Donc, voici un petit moulin du sud de la Champagne, mais pratiquement à la limite avec la Bourgogne. La rivière est un affluent de la Seine. Jules et Solange Bailly ont une fillette. M. Jules Bailly, meunier des Riceys, s’en va à la guerre d’abord comme réserviste vu son âge, mais à la fin l’hécatombe fera que même les réservistes seront envoyés en première ligne. Le moulin dispose de trois ouvriers (dont le plus jeune partira au front en 1917). Le moulin est équipé de quelques machines à cylindres mais il a conservé des meules pour l’orge et l’avoine. Les Bailly viennent de l’acheter, au prix de 15 000 F, à crédit, d’où un fort endettement de Jules. Solange prend le moulin en main, et va y révéler un tempérament de chef d’entreprise. Au début elle ne fait rien sans consulter son mari, avec qui elle a un échange important de courrier (un grand nombre de lettres ont été trouvées récemment abandonnées dans le grenier). Il lui indique quand il faut faire provision de blé car il devine que son prix va monter (ce qui adviendra en effet). Mais rapidement elle lui rend des comptes plus que positifs. Quelle femme d’affaires ! Elle parvient en effet à acheter du blé quand il est au plus bas prix, et à ne le moudre qu’au moment propice (quand elle ne le revend pas un meilleur prix). A cet égard elle n’a aucun scrupule à anticiper l’inflation. Qui mieux est, elle sait jouer avec le fait que l’État prétend réquisitionner toute la production de blé et en organiser la mouture dans les moulins. Seulement les paysans producteurs de blé ne se laissent pas faire : ils gardent cachés une bonne part de leur production, qu’ils mènent discrètement au moulin pour leur consommation familiale, voire pour quelque commerce clandestin. C’est à leur égard que Solange a le moins de scrupules : dans ses lettres elle avoue qu’elle triche à la pesée, et rend au producteur moins de farine qu’elle devrait. Quant aux clients, nombreux, qui viennent au moulin acheter de la farine, elle anticipe la montée des prix ; seul un de ses ouvriers, conscient qu’il a devant lui souvent d’autres ouvriers, la retient d’exagérer. Elle peut se vanter de recettes formidables, supérieures à celles que Jules faisait lorsqu’il menait son moulin, et de bénéfices de plus en plus considérables, au point qu’elle efface progressivement ses dettes. Et sur sa lancée de continuer ses tricheries. Quand l’État conseille de bluter la farine à raison de 80 %, elle se garde bien de parvenir à ce taux ; et quand il recommande qu’on ajoute divers ingrédients, tels un peu d’avoine ou d’orge, elle suit volontiers… mais avec la main lourde, bien au-delà des proportions tolérées. Elle subit un premier procès-verbal, certes n’entraînant qu’une peine mineure… Mais après, rien ne la retient, et elle doit avouer qu’elle reçoit des amendes de plus en plus lourdes. Jules est même obligé de conseiller à Solange de cesser de tricher autant ! Seulement le blé manque et la tricherie demeure inévitable, tandis que l’inflation galope.
Jules meurt de ses blessures peu avant l’armistice. Pour l’instant on ignore quand Solange a quitté le moulin et ce qu’elle et sa fille sont devenues. En tout cas un dossier passionnant.
Auxerre Magazine, septembre 2018
La revue municipale d’Auxerre annonce une conférence à la bibliothèque Jacques Lacarrière de Jean-Charles Guillaume sur d’anciennes industries de la ville, dont la grande ocrerie. On se rappelle que Jean-Charles Guillaume nous avait accordé un article sur les moulins à ocre.
L’Almanach Bourguignon pour l’an 2019 (des Editions Arthema, à ne pas confondre avec un concurrent que publie un éditeur de Romorantin avec Centre-France)
J’avais proposé un article sur le moulin des Michots, à St-Léger de Fougeret, restauré par notre ami Christian Roquelle. Il n’a pas été retenu : il paraîtra dans notre bulletin en 2019. Pour autant cet almanach ne manque pas d’évoquer les moulins :
– Page 33 « Les moulins du pont St-Laurent à Chalon-sur-Saône (c’étaient des moulins-bateaux amarrés aux piles du pont). La gravure qui montre un de ces moulins-bateaux est très intéressante.
– +Page 53 la chanson recueillie par Achille Millien dans les environs de Beaumont-la-Ferrière « Mariann’ s’en va-t-au moulin »
– Page 78 « Le belvédère de St-Andelain », qui occupe le site d’un moulin à vent, lequel servait à malaxer la pâte destinée à une tuilerie pour en chasser les bulles d’air.
Pour les supporters de mes publications, l’Almanach publie mon article sur le bateau à vapeur et à roue de la catégorie des « inexplosibles » qui dans les années 1840 relia Orléans à Digoin en passant par Nevers et Decize.
Supplément Fémina à Centre France du 4 novembre :
Dans l’article recommandant de randonner en Bretagne, on remarque à propos du golfe du Morbihan qu’il convient de passer au « moulin à marée de Pen Castel, l’un des plus beaux de Bretagne. » Par contre, Pont-Aven est évoqué sans qu’il soit rappelé que le village compte encore un très beau moulin qui fait encore la joie des peintres. Nous comptons d’ailleurs sur notre amie Françoise Demarche pour en ramener prochainement un magnifique tableau.
TELEVISION
La Société des Moulins de Bazacle
Le 30 octobre, sur Arte, à propos d’un bug à la Bourse de Paris, Xavier Mauduit, l’historien de l’émission « Le 28 Minutes » a rappelé que des moulins sont à l’origine de l’invention du capitalisme par actions échangeables. En effet, en 1210, à Toulouse, il s’avéra nécessaire de construire un grand canal qui, empruntant l’eau à la Garonne, favoriserait la bonne marche de grands moulins au lieu-dit Bazacle. Une Société des Moulins de Bazacle apparut, qui lança un appel au public pour qu’il finance le grand projet sous la forme de ce que l’on appellerait aujourd’hui des actions, lesquelles pourraient s’échanger et se revendre.
Ce grand moulin de Toulouse demeura tellement moderne que bien plus tard il fut choisi comme modèle par l’Encyclopédie de Diderot : “Il y a aux moulins du Bazacle 16 meules de front, placées dans le même bâtiment, en travers de la rivière, toutes mues de même par la force du courant…” Il est précisé que les aubes des roues étaient inclinées de 54° par rapport à l’axe (!). En 1876, Bazacle sera encore dirigé par une société à actions. Puis le site produira de l’électricité. Actuellement c’est un lieu d’exposition.
C’est égal : un moulin de 16 paires de meules !
Victor Hugo et M. de Montalembert
A propos de ce personnage qu’on voit plusieurs fois aux côtés de Victor Hugo dans la série « Victor Hugo ennemi de l’Etat », diffusée les 5 et 6 novembre 2018, comme il a possédé un moulin dans le Morvan, j’écrirai un article sur ce sujet dans les prochaines « Nouvelles meunières ».
Exposition
Au musée de l’Education à Nevers commence une exposition qui va durer plusieurs mois sur l’école et les enfants face à la guerre de 1914-18. Une carte postale montre un moulin à vent détruit par quelques obus : il ne reste plus que la tour. On remarque aussi un cahier d’écolier dont la couverture porte un moulin.
NOTES DE LECTURE
« La meunière de Fontbelle », roman de Jeanine Berducat, éditions La Bouinotte, mars 1998.
A l’époque sa parution nous a totalement échappé. Il est vrai que le roman évoque un moulin du bord de la Creuse, très exactement à Fresseline. Ce village est quelque peu connu pour avoir reçu George Sand, laquelle posséda une maison tout près à Gargilesse. Le département de la Creuse ressemble au Morvan par son granit et ses vallées encaissées.
Le roman évoque la vie d’une jeune fille, Louise, un jour appelée à prendre la succession de son grand-père meunier à la tête du moulin de Fontbelle. Il lui arrange un mariage avec un fils de meunier connaissant bien le métier. Mais la mobilisation de cet époux à la guerre de 14-18 (où il va être tué) conduit Louise à assumer le travail au moulin avec le seul concours d’un vieux commis. Plus tard son fils, prénommé Maurice, dynamisera l’entreprise en équipant le moulin d’une turbine et de cylindres. Le travail au moulin est souvent évoqué, ainsi que quelques images comme celle de « la grande roue ». Juste un oubli : racontant l’activité des années 1930, l’auteur ignore complètement un fait important dans l’histoire des moulins, l’apparition des contingents issus de la loi de 1934 et des décrets de 1935.
Au début j’ai cru que le moulin était totalement inventé, ainsi que tous les personnages. Mais rien n’est moins sûr.
« A Fresselines, les moulins sont nombreux : celui de Vervy, du Bragoulet, du Puy Rageau, Fontbelle, Champroy et même Chante-Milan qui est à la limite de la commune de Maison Feyne ». On parlera plus loin de ce moulin de Vervy.
Enfant, l’héroïne, Louise, rencontre le poète Maurice Rollinat (1846-1903). J’en avais entendu parler : nanti d’une certaine notoriété à Paris, il choisit cependant de se retirer dans le département de la Creuse, ce qui lui permit de rencontrer Georges Sand alors très âgée. Un des poèmes qu’il écrivit à Fesselines contient ces vers :
« Au bord du torrent qui façonne
Les joncs hauts comme des bambous,
Tic tac, tic tac ! Le moulin sonne,
Enfariné par tous les bouts
…
Le meunier si blême et si roux
Qu’on dirait Pierrot en personne
Tic tac, tic tac ! Le moulin sonne ».
Or le meunier du poème est le grand-père de Louis. « J’ai bien des cheveux roux » dit-il.
Maurice Rollinat a des amis peintres qu’il fait venir à Fresselines. Je suis allé vérifier certains éléments dans « Impressions des bords de Creuse », de Christian Pirot. Rollinat fait venir à Fresselines Claude Monet lui-même, mais dont Jeanine Bertucat parle sans indiquer que Louise l’ait rencontré : pourtant Claude Monet peint à plusieurs reprises un moulin de Fresselines, celui de Vervy, comme on peut le voir dans le livre « Impressionnisme et postimpressionnisme dans la vallée de la Creuse », de Christophe Rameix, dont nous avions parlé dans un Bulletin.
Par contre le roman évoque comment un jour Maurice Rollinat présente à Louise un jeune peintre :Fernand Maillaud (1863-1948). Au début j’ étais perplexe, mais non, il est bien cité dans l’ouvrage de Rameix, qui en propose deux tableaux nous intéressant : « Après-midi au moulin » et « Le moulin Brigand ». Apparemment connu, il s’est opposé à Claude Monet et à un autre grand impressionniste : Guillaumin. « Maillaud préfère la nature travaillée par les hommes, les moissons et les charrettes, les bergères et les glaneuses ». Jeanine Bertucat le décrit ainsi : « Fernand Maillaud s’avéra charmant, toujours gai et prévenant. Il partait tôt le matin avec ses pinceaux et son chevalet, rapportait des toiles à peine ébauchées qu’il peaufinait le soir dans son antre… Parfois Louise se faufilait derrière lui et l’observait dans sa passion créative. Il ne la voyait pas, poursuivant son œuvre en y ajoutant des petites touches de couleur qui illuminaient ses tableaux ». Le fait est : ses toiles sont riches d’une belle lumière et d’une certaine profusion de couleurs. Dans « Les petits maîtres de la peinture 1820-1920 », Gérald Schurr écrit que chez Maillaud « le paysage berrichon reste fidèle à une certaine gravité de la terre, à un bon sens traditionnel qui lui imposent une vague méfiance à l’égard des théories nouvelles ».
Plus tard Louise verra à l’œuvre un autre peintre : Léon Detroy (1857-1955). Un artiste aujourd’hui mésestimé, mais on lui doit, constate-t-on dans le Rameix, un beau « Moulin de la Folie », et un magnifique « Moulin sur la Creuse », Rameix précisant qu’il s’agit du moulin du Pin, situé sur Gargilesse. Schurr : Léon Détroy choisit Gargilesse… Il y achète une maison, parcourt le chevalet en bandoulière les coteaux, les chemins creux… Pour lui la couleur est lumière ». Il précise qu’à la fin de sa carrière Detroy est surnommé « l’ermite de la Creuse ».
Donc un des nombreux moulins reproduits dans le livre de Rameix a-t-il été celui de Fontbelle ? Je n’ai pas… « l’impression ». Toutefois l’ouvrage de Rameix permet de se faire une idée des moulins des bords de la Creuse. Dans la zone considérée, ils sont au fond du ravin creusé par la rivière. Ils présentent donc souvent comme une « masse » plutôt sombre car à l’abri du soleil, même si le rouge du toit à tuiles adoucit cet aspect. En passant, un dessin de Maurice Sand, le propre fils de Georges, indique un moulin tellement obscur qu’on l’aperçoit à peine. La roue ne fait pas l’objet d’un traitement avantageux par les peintres ; quand elle est présente, on la distingue péniblement, elle fait assez « noire ». Les moulins ont un aspect massif, mais ils ne semblent pas très hauts. Dans le roman, c’est cet aspect triste de l’architecture qui est le plus souvent retenu : « La nuit tombait lorsqu’ils aperçurent la masse sombre du moulin. La lumière vacillante filtrait au travers du carreau. »
Un autre peintre viendra, Henri Pagès, qui sera le gendre de Louise : « Le peintre installa son chevalet au moulin et immortalisa la grande roue qui, bien qu’immobile, conférait tout son charme à la bâtisse. Il suivit Maurice (le fils de Louise), s’intéressant aux mécanismes des cylindres qui broyaient le grain, revenant tout enfariné comme un vrai meunier ». Henri Pagès n’est pas cité par Christophe Rameix, étant d’une génération bien postérieure à l’impressionnisme.
Un détail en passant : Jeanine Bertucat insiste souvent sur l’aspect « enfariné » des personnages, dû à la poussière de farine qui pouvait régner dans un moulin. C’est possible, mais j’ai des doutes : les meuniers savaient que la poussière de farine, en séchant, devenait très inflammable ; ils lui faisaient donc la chasse. La farine sortait d’entre les meules, grâce à l’archure, par un tuyau qui la déversait dans le sac. La protection était encore plus grande avec les cylindres. C’est la première fois que je vois un auteur insister sur cet aspect « enfariné ».