La Nièvre d’Arzembouy

Actualités historiques Les rivières Nièvre

Textes et photos de Philippe Landry sauf indication contraire

Les moulins es rivières Nièvre

Nièvre d’Arzembouy, Nièvre de St-Franchy et Petite Nièvre, Nièvre de Champlemy, Nièvre de Bourras, etc… toutes ont animé quantité de moulins. Nous en livrons ce que nous avons pu établir de leur histoire dans notre bulletin semestriel, et dans une série de « cahiers », dont voici le premier numéro.

Particularité importante dans l’histoire de ces moulins : en raison de l’abondance de minerai de fer, des forêts fournissant le combustible des hauts fourneaux, et de l’eau pour faire tourner les roues, beaucoup ont un jour été transformés en forges hydrauliques “industrielles”, ou celles-ci sont devenues moulins. La roue faisait tourner un “arbre à cames”, qui :

– Ouvrait les soufflets, 

– Faisait tomber un marteau sur le minerai pour une première épuration (c‘est alors un bocard ou patouillet),

– Faisait tomber le fameux gros marteau dit martinet sur la pièce métallique en fusion pour lui donner forme,

– Faisait tomber un marteau sur le “laitier” (résidu de la forge) ; le moulin s‘appelait alors “moulin à laitier” ou bocard à laitier.  Il fournissait un sable qu’on utilisait dans le moule des pièces métalliques, par exemple les canons (on parlait alors de moulin à sable). Mais ce sable, parfois nommé mâchefer, entrait aussi dans le soubassement des routes ou dans les rives des canaux.

Cependant, nous ne rentrons guère ici dans le détail du travail du fer, attendu que d’excellentes études lui ont été consacrées : 

– les bulletins annuels des Amis du Vieux Guérigny (sans compter l‘exposition qu‘ils présentent chaque été)

– “Les forges de la Chaussade à Guérigny” de Jean André Berthiau, édité par la Camosine.

– “Forges et forgerons en Nivernais et en Berry”, de Raymond Robin

– “La Nièvre royaume des forges”, sous la direction de Francis Dreyer qu’a publié le Conseil général dans la collection “Musées”

– “Le Fer en Nivernais, Age d’or et déclin, 17e-19e siècles”, de Claudius Gabard et Jean-Louis Carnat, ainsi que “La vie quotidienne des ouvriers des forges en Nivernais au XIXe siècle”, par Guy Thuillier, deux ouvrages édités par le Centre de documentation pédagogique de Nevers.

Le travail du fer est très important autour de Prémery : vers 1790 l’ensemble des forges de Prémery, de Lurcy le Bourg et de Sichamps emploie 300 ouvriers  (AD 1 L 243).

Les Nièvre en amont de Prémery

Oulon

La carte Cassini montre un moulin sous l’étang d’Oulon. Les eaux en disparaissent ensuite dans le sol, mais le relief suggère qu’elles doivent rejoindre la Petite Nièvre en aval de Lurcy le Bourg.

En 1665, le seigneur Charles de Chéry loue ce moulin d’Oulon, dit des Chaulmes, à Jean Baulmier, “moulinier”, avec bâtiment, maison, roue, rouages, biez, chaussée, moyennant “neuf vingt vingt livres” à régler par 4 quartiers de 45 (dont en fait 4 fois 45 livres). Toutefois le preneur devant faire son affaire de toutes les réparations (Archives Départementales, Archives de l‘Hôtel-Dieu, B 25). En 1669, tout le village d’Oulon tombe dans l’escarcelle de Charles Roy. Plus tard, par testament, Charles Roy lègue le moulin à l’Hôtel-Dieu de Nevers (ce qui prend effet en 1708). C’est pourquoi le moulin apparaît plus tard dans l’inventaire des biens de l’hôpital général de Nevers. En 1883, il lui rapporte le revenu fiscal net de 1035 f (un grand moulin, donc). Il n’en est pas moins converti en bâtiment rural en 1890 (AD, 3P 203/ 3 et 4)

Giry

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée :  forge de Giry : 1598 ; Gipy 1754 (B84) ; 2 moulins à Giry en 1882.

En 1754 fonctionne le moulin de Giry (AD B86).

1873 : on  vole un sac de blé à un meunier de Giry nommé Legland.

En 1882, Giry compte deux moulins et un bocard à Gipy, mais qui disparaît bientôt. Les deux moulins de Giry appartiennent au prince de Beauveau, celui du plan cadastral 558 rapporte 260 F, et celui du plan 1520, 175.

En 1883, ces deux moulins emploient deux ouvriers, rémunérés de 2 à 3 F par jour (AD, M 6316).

 Cependant le second de ces moulins, après que son revenu est monté à 476,25, est “en ruines” en 1894. Passé à Robert de Mun, le premier lui rapporte 400 F en 1895 ; il est cité comme fonctionnant dans le Dictionnaire Vallière de 1896. Le meunier s’appelle Jean Lorcery, mais le moulin est démoli en 1901, Lorcery devenant menuisier. Par “démoli” il faut entendre que l’outillage est démonté et dispersé : le bâtiment du moulin de Giry demeure une imposante construction avec un aspect “forteresse”, juste sous le fameux château de Giry, en contre-bas de la route. (AD, 3P 127/4). 

Le fait qu’il y ait eu deux moulins sur le site de Giry entraîne une complexité dans la recherche. En effet, le « moulin de Giry » a été tenu par une grande famille de meuniers, les Bernard, dont 4 générations s’y sont succédé. C’est ce que nous apprend la revue généalogiste Blanc Cassis, dans son numéro du 1er trimestre 2019 où elle consacre des notices à plusieurs soldats nivernais morts à la guerre de 1914-18 ; à propos d’Auguste (dit Pierre) Bernard, elle le définit comme « meunier » au moment de sa mobilisation, et donc issu de 4 générations, en particulier son grand-père Jean Bernard, qui « avait exploité le moulin de Giry dès le début du XIXe siècle ». Comme le moulin de Giry semble fermé en 1901, il est probable que Pierre se place comme meunier dans d’autres moulins. Au demeurant, la notice nous apprend que sa mère est déjà veuve ; peut-être la cessation de l’exploitation a-t-elle été consécutive à la mort du père de Pierre ?

En tout cas on a deux noms de meunier dans une brève période à la fin du XIXe siècle (Lorcery et Bernard), chacun ayant tenu un des deux moulins du site de Giry.

Moussy

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée :  un moulin à vent avant 1789 ; huilerie Paul Abord 1878 ; Bertrand huilerie 1939

Des carrières de grès ont été exploitées à Moussy, pour en extraire des meules, ce qui a valu au village de s’appeler au XIXe siècle Moussy les Meules (Flohic). Christophe Girodet écrit dans « Moulins des villes et moulins des champs en Nivernais à la fin du Moyen Age » (paru dans les Annales de Bourgogne, tome 84 fascicule 4, de 2012) : « Les carrières de meules du petit village de Moussy ont fourni des meules pour plusieurs moulins de la châtellenie de Montenoison », notamment en 1381-82 pour un « moulin de Treigny » (le meulier est Perrin Soudin), et en 1394-95 pour un autre de Lurcy le Bourg ; des meules de Moussy sont vendue à l’évêque d’Auxerre pour un de ses moulins de Cosne, et en 1420 à la ville de Nevers pour ses moulins à chevaux (meulier Jean Guillaumot).

Moussy ne semble pas avoir connu de moulin à eau. La matrice cadastrale 3P 184/4 indique une huilerie Paul Abord, démolie en 1878, lieu-dit “Le Château”, au revenu fiscal net de 150 F. Il est improbable que Bertrand, l’huilier repéré en 1939, ait pris sa succession.

St-Franchy

A St-Franchy se trouve la source de la Nièvre de St-Franchy, affluent de la Petite Nièvre. Deux affluents de la Nièvre nous intéressent plus : le ruisseau de Montgazon, un affluent de la Grenotte, qui a alimenté le moulin de Montgazon, et la Rivière Morte, qui forma un étang alimentant la forge plus tard dite Moulin de la Forge.

Le moulin de Montgazon, sur le ruisseau de ce nom) est sur la carte Cassini (vers 1754).

A la Révolution de 1789 apparaît le moulin de la Forge. Appartenant à la famille de Rémigny, qui possède beaucoup de biens sur plusieurs communes, il est estimé 10 000 F (ce qui est beaucoup, notamment comparé à un autre moulin de cette famille, celui dit de Dumphlun, à Billy-Chevannes, estimé seulement 4 000, il est vrai en mauvais état). Ce moulin de la Forge n’est que trop sommairement décrit : bâtiment de moulin sans autre précision, maison du meunier, “maison du laboureur”, un étang de 2500 carpes, poulaillers, chènevière ; c’est cet ensemble qui est estimé 10 000 F (AD, 1 Q 1507). Peut-être la forge hydraulique repérée en 1830 est-elle ce moulin à nouveau converti à travailler le fer.

On ne trouve plus trace ensuite que du moulin de Montgazon, cité notamment comme fonctionnant en 1840 (AD S10150) et 1849. 

Son exploitant Claude Pluvot étant en faillite en 1876, iI est mis en vente (Journal de la Nièvre, 1er décembre), ainsi que son stock de froment et d’avoine, ce qui suggère qu’il a peut-être deux paires de meules, une pour le blé, une pour les céréales secondaires. . Appartenant à Louis Emile Bouhéret, il lui rapporte le revenu fiscal net de 133 F en 1881 puis 142 en 1882, ce qui est modique. Il est démoli cette année-là (AD 3P 240 /4 et 5), le Journal de la Nièvre annonçant la mise en vente de son matériel.

St-Benin des Bois (Nièvre de St-Benin, affluent de la Nièvre de St-Franchy)

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée :  Forge du Marais 1780 ; Nancray 1613 ; Gignault 1673 ; Le Crot 1743 ; Léveillé 1743 ; Le Moulin Neuf 1743 ; La Grippe sur la carte Cassini de 1754 ; Janivot  sur la liste des moulins de 1840 ; Le Merle cité par  De Soultrait en 1865. Foulon avant 1904.

La fameuse communauté des Jault a affaire à un “meunier” en 1673 ; comme elle possède le moulin Gignault, il est probable que c’est celui-ci qu’il tien. (Ref : Annales des Pays nivernais n° 126, consacré à la communauté des Jault).

L’« Essai surSt-Benin des Bois et Ligny » (Médiathèquue de Nevers, 3N 4725), de 1904  indique comme ayant existé à St-Benin des Bois le Moulin Gignot, le Moulin-Neuf, celui du Crot, La Forge, et un étang faisant marcher un foulon d’où un “Pré Foulon”.

En 1743, voici les meuniers qui acquittent la taille : Louis Thibaudat, moulin du Crot, 39 livres 15 sols, Antoine Machecour, moulin Gignot, 21 livres 15 sols, Léveillé, Moulin Neuf, 39 livres 15 sols.

Sur la carte Cassini dressée vers 1754, les trois moulins se succèdent ainsi le long de la Petite Nièvre : moulin Gignault, moulin Neuf et moulin du Crot. La forge du Marais appartient en 1780 à de Saulieu. En 1789, la commune compte 4 moulins et une forge. Charles Pignare possède le moulin Gignot et Edme Gestat deux moulins non nommés et François Pieuchot un également non nommé, de Saulieu possédant la forge (AD 1L 422).

St-Benin des Bois dispose de trois moulins en 1840 : Le Crot, Moulin Neuf et Gignault. (Ad S1474).

En 1843, la forge du Marais, au baron de Bar, a trois roues.

Lors de la dispersion des biens de la communauté des Jaults en 1847, il apparait que le moulin Gignault ne lui appartient déjà plus (Annales 126).

Les matrices cadastrales (ad 3p 233/ 4 ) indiquent en 1882 ces moulins avec leur revenu fiscal net : 

– Le Moulin Neuf plan 508, à Louis Larrivé, meunier en 1883, revenu fiscal net 582 F, incendié en 1903 ; reconstruit il rapporte 460 F en 1905. En 1925, il est à Louis Chaumereuil, meunier, qui en tire le revenu fiscal net de 1225,5 F.

– Le Moulin du Crot, plan 287, à Edme de Chambrun en 1882, revenu 356, plus tard 809,60.

– Le Moulin Gignot ou Ginault, plan 769, rapporte 447 en 1882 à Pierre Guinard, puis plan 769 bis, ne semble plus fonctionner dès 1913 

– L’Huilerie plan 885, lieu-dit La Bouillanderie, à Jean Guinard, cultivateur, rapporte en 1882 : 31 F, puis 56,65 un peu plus tard. Le dossier M 6343 des AD contient cette appréciation pour 1888 : « Cette huilerie est dirigée par un homme à qui elle appartient. Elle ne marche que de temps en temps selon les besoins des clients ». 

Des annonces dans la presse locale indiquent en 1894 que le moulin Gignot est à vendre, doté d’une seule paire de meules, et que le Moulin Neuf est à affermer en 1899 et 1900. 

La Tribune Républicaine du 29 mai 1902 évoque brièvement l’incendie dont est victime le Moulin Neuf. Le moulin, la maison, l’écurie, le mobilier et un stock de farine sont détruits, les dégâts étant estimés à 8900 F, répartis entre le propriétaire Louis Larrivé (8500 F) et le meunier Pierre Cavoit (400). En 1913, la presse annonce que le moulin est à vendre ou à affermer, mais avec un équipement intéressant puisqu’il dispose de cylindres, et qu’il est, affirme l’annonce, capable de moudre 30 quintaux par 24 heures, ce qui en fait un des meilleurs moulins de la Nièvre.

Retour aux matrices cadastrales (AD 3P 233/ 5) : elles montrent que le moulin du Crot peine dès 1912, ne rapportant plus que 162 F de revenu fiscal net à M. de Chambrun (il est « en ruines » en 1926). Le vieux moulin Gignot ne semble plus fonctionner dès 1913. Un huilerie apparaît vers 1910, tenue par Léonie Philippon, plan 887 (revenu fiscal net d’à peine 24 F). Par contre le Moulin Neuf prospère. En 1925, Louis Chaumereuil, propriétaire et meunier, en tire le revenu net fiscal de 1225,5 F, ce qui est assez remarquable. A côté subsiste difficilement l’huilerie de Jean Guinard (24 F en 1922).

En 1934 M. Louis Chaumereuil mène toujours le Moulin Neuf. On retrouve un meunier Chaumereuil dans les annuaires de la meunerie de 1947 et 1951, toutefois dans la catégorie 1 des moulins, ceux ne travaillant pas plus 10 quintaux par 24 heures. 

Lurcy le Bourg, sur la Nièvre de St-Franchy après le confluent avec celle de St-Benin ; à cet endroit la Nièvre s’appelle La Petite Nièvre ou la Grenotte.

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée :  Sury, 1689 ; sur la carte Cassini dressée vers 1754 : Bordier, Vilaine ou Maison Blanche; Lurcy, Ancery ; Battoir de Lurcy : 1794 (battoir à fer) ; Lavoir à Mine :  1875 ; La Renardière 1875.

Lurcy le Bourg a eu deux avantages : d’une part elle contenait beaucoup de minerai de fer, d’autre part elle fut le siège d’un important prieuré, dont le très joli bâtiment en plein centre du bourg est parfois ouvert à la visite. Conséquences: des moulins travaillèrent le fer, et le prieuré posséda un moulin, alimenté par son plan d’eau qu’on observe encore, juste au pied de sa muraille. 

Le plus ancien moulin dont j’ai trouvé trace à Lurcy le Bourg est celui dit de Sury, en 1689. Sur la carte Cassini dressée vers 1754, la Petite Nièvre alimente à Lurcy cinq établissements hydrauliques :

– la forge du Marais (en fait à situer à St-Benin des Bois)

– le moulin d’Ancery

– le moulin proche du prieuré

– le moulin Bordier

– celui de Vilaine dit aussi de Maison Blanche, qui en fait est une forge industrielle.

Le livre “La Nièvre royaume des Forges” indique à Lurcy :

– La Forge de Vilaine, “petite forge”, qui en 1794 produit 30 tonnes de fer par an. “Elle utilisait 10 ouvriers et 40 bûcherons” (pour acheminer le bois à brûler dans les fours).

– Les “battoirs de Lurcy le Bourg”, “à hauteur de Lurcy”, qui devint un “lavoir à minerai” évoqué ci-après. C’est aujourd’hui une très jolie maison presque en face du prieuré. 

Vers 1790, Vilaine est dans l’escarcelle du sieur Begin, propriétaire des grandes forges de Prémery (Ad 1 L 243). 

Au début du XIXe siècle

En 1809, répondant à une enquête administrative, le grand propriétaire M. de Saulieu, alors maire de la commune, écrit : « Il n’y a pas de fourneau ni de forge dans la commune… Il y avait bien une forge autrefois, Monsieur Béguin, propriétaire, l’a fait » convertir en moulin à farine. 

En 1846, le “battoir à fer” marche encore. Mais selon le dossier S 2300 des Archives Départementales, il est plus loin sur la Petite Nièvre ; on peut en déduire que les deux sites ont travaillé pour la métallurgie.

L’exploitation du moulin à grain Bourdier cesse en 1833. Par contre celui dit de Lurcy le Bourg demeure en fonctionnement en 1846, possédé par M. de Bar.

carte postale publiée par le cercle généalogique, revue Blanc Cassis, octobre 2019, reproduite avec son autorisation

Mais la crise métallurgique des années 1840-50 conduit à la fermeture de la plupart des forges, quelques-unes devenant des moulins à grain, comme Vilaine. En 1857, Vilaine est un moulin à grain, appartenant à M. de Saulieu : il est réglementé par arrêté préfectoral du 4 août 1857. A l’occasion de son élaboration sont  réalisés par l’ingénieur des eaux le plan du site et le plan de la façade du moulin en élévation, ci après.

plan du moulin de Vilaine
Façade du moulin de Vilaine

Pour autant l’activité métallurgique ne cesse pas. En effet, on continue de recueillir le minerai de fer, notamment à la mine de Sangué. Cela entraîne que des « battoirs à mine » demeurent en activité, possédés par M. de Saulieu. Il survient même quelque chose d’insolite en 1855 : la Cie Schneider au plus fort de son expansion au Creusot en Saône-et-Loire, à la recherche de minerai, acquiert l’ancien moulin Bourdier pour le transformer en battoir à fer. Le sieur de Saulieu ne veut pas de cette concurrence : il semble qu’il obtienne de l’administration qu’elle refuse d’autoriser le projet Schneider (AD, S 2300).

Après 1860

En 1870, la liste des moulins montre à Lurcy celui de Vilaine, une bonneterie (établissement textile utilisant la force hydraulique) et le “lavoir à mine” (AD S10 150). En 1877 le Journal de la Nièvre indique qu’un enfant employé au “moulin de Lurcy” manque de se noyer dans le bief.

Les matrices cadastrales montrent qu’à la veille de 1882 Lurcy compte 3 moulins plans 20, 791 et 941, une tuilerie plan 744. Le dossier M 6320 des Archives Départementales relatif aux statistiques industrielles recense en 1884 à Lurcy 3 moulins et 3 tuileries. La presse locale indique : – Le moulin de Vilaine à affermer en 1889 et celui “de Lurcy” en 1893. 

– En 1894 à vendre une importante propriété centrée sur le prieuré, dont un moulin, probablement celui dit de Lurcy ou du Pont de Lurcy.

Un moulin à Lurcy (AD, série S)

Plus près de 1900, on ne remarque plus que ceci : le moulin de Vilaine plan 791, rapporte 250 F de revenu fiscal net, puis 600, à Charles de Saulieu. Ce dernier possède aussi l’huilerie des Châtaignes, plan 1638, démolie en 1903. Cependant, dans son Dictionnaire géographique et administratif de la Nièvre daté de 1895, Vallière indique à Lurcy le Bourg “fours à chaux, tuil., moulins, huil.” A l’entrée « Marais (Grand-) », lieu qu’il précise comme un hameau de Lurcy le Bourg, il indique “moul”. A l’entrée “Villaine”, il indique “ham. f., tuil. moul. 120 h” (quand il emploie “moul.”) cela signifie qu‘il y a un seul moulin).

En 1916, le moulin de Vilaine est décrit par la matrice comme “en ruines”.

Cependant il y a un moulin en activité à Lurcy le Bourg en 1934, dont le meunier est M. Guillaumot, domicilié au bourg.


Prémery

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée : 

Un moulin à écorce et un foulon en 1286, molendinum Regiaco et melendina Planta; Les Ponts de Varzy : forge 1405, avec bocard 1789, avec Filature 1845 ; Le Fourneau : XIIIe ; La Moquerie : 1520 ; Valotte 1627 ; La Forge (carte Cassini 1754) ; Chaumes (carte Cassini 1754). Les Chailloux 1852. Fournier et Baillard : moulins à plâtre vers 1850. Archambaut Fity manufacture de plâtre 1937. 

Dans ses “Mélanges”, relatifs à l’histoire des comtes et des évêques de Nevers, René de Lespinasse dit que le comte de Nevers donne des moulins à son frère Guy, évêque, en 1173. Le terrier des biens de l’évêque à Prémery dans les années 1286-88 y indique un moulin à écorce et un moulin à fouler le drap rapportant respectivement 9 et 15 livres. On y remarque aussi  un “molendina de Regiaco” et “Planta et VII molendina” qui me demeurent totalement obscurs. Au Moyen Age la ville disposa de plusieurs moulins, qui contribuèrent à en faire un centre commercial et industriel important. Mais plusieurs des moulins devinrent des forges hydrauliques, notamment la plupart de ceux de l’évêque de Nevers.

Dans toute une page du Journal du Centre du 6 octobre 2010, intitulée “Une Nièvre, deux Nièvre? Non cinq!”, l’historienne de Prémery Sylviane Jurquet énumère les cinq usines qui ont servi de forge avant de devenir ou de redevenir des moulins à grain : 

– La Forge de la Valotte, citée en 1627 (cependant en 1729, c’est un moulin à grain dont le meunier se nomme Claude Hugon, selon M. Carré dans le tome 8 des Mémoires de la  Société Académique).

– “La grosse forge du Fourneau” “qui fonctionna dès le XIIIe siècle.

– “La petite Forge ou Forge des Ponts de Varzy” existant avant 1405.

– La “forge de la Moquerie”, citée en 1520.

– La “forge de Chaillou”, entre la Moquerie et Sichamps (1602 selon les Mémoires de la Société académique tome 8).

La carte Cassini dressée vers 1754 montre sur le territoire de la paroisse de Prémery :

– En amont de la ville, sur la Nièvre d’Arzembouy, le moulin de Valotte, puis, après la confluence avec la Petite Nièvre, deux moulins, l‘un des deux étant le Fourneau (ce nom n‘est pas écrit). 

– En aval, se succèdent le moulin de La Chaume puis la Forge de la Moquerie (celle-ci à hauteur du Petit Pourcelange).

A la révolution de 1789, les propriétés de l’évêque de Nevers, comte de Prémery, affermées à un sieur Petit, sont saisies comme “biens nationaux”. Le dossier 1Q82 des Archives Départementales met en valeur que l’évêque possédait à  Prémery :

– “4 petites forges presque attenantes” dont 2 au lieu dit Fourneau

– “Le Fourneau” à fer, semble-t-il en fait l’établissement nommé « La Grosse Forge de Prèmery », “un des meilleurs du pays”,  consistant en 7 corps de bâtiment, mais dont “la reconstruction est indispensable” ; il dispose de deux petites forges, l’une d’elles contenant un bocard (atelier procédant à un premier traitement du minerai par la chute d’un marteau animé par une roue). Le fourneau dispose d’une halle à charbon et d’un bâtiment où logent les forgerons.

– Le moulin à blé de la Ville, “situé proche de la ville”, consistant en “un corps de bâtiment” et terres. Il est sous-affermé à Etienne Bourdin par bail passé devant le notaire Legoube, moyennant 2 bichets de froment par semaine, le bichet pesant 100 livres. La valeur du moulin de la Ville est estimée 18 400 F. Notons qu’il « jouxte un moulin à tan » (travaillant l’écorce). (AD 1Q478)

– Le moulin des Chaumes, consistant en deux corps de bâtiments et terres, “que M. Petit fait valoir par lui-même”, auparavant affermé à Guinard 2 bichets par semaine.

– Le moulin de la Valotte, consistant en deux corps de bâtiment et terres, sous-affermé à Sébastien Pannetier à raison de 2 bichets et quart par semaine, le bichet étant estimé en argent à 7 livres, ce qui donne 7 l x 2,25 x 52 = 819 livres par an. Le moulin est estimé valoir est estimée 11 000  F (1Q 478 des AD).

J’ignore pourquoi le fermage n’est convertissable en argent qu’au moulin de Valotte et pas aux deux autres (dans ces deux-là, cela aurait donné 7 livres X 2 X 52 = 728 livres par an). Tous ces biens sont vendus :

. Le moulin des Chaumes 11 100 francs (c’est le nouveau nom de la livre tournoi), 

. Les deux autres moulins ensemble 39 800.

. Le fourneau 26 000 F

. La forge disposant du boucard, devenue “Moulin du Boucard”, 3000 f ;

; Deux des autres forges autrefois à l’évêché 24 000 F. 

AU XIXe siècle

Les forges, victimes de crises successives, dont les arrivées sur le marché de minerais plus rentables que le minerai nivernais, ferment peu à peu, pour s’éteindre totalement avant 1850, (Mémoires de la Société académique, tome 8). Tout au plus l’usine dite du Fourneau conserve-t-elle un « bocard » à laitier pulvérisant les scories pour en faire un sable utilisé dans les travaux publics ou le bâtiment. La plupart des anciens ateliers de forge hydraulique deviennent des moulins à blé : 

– Dès 1826 le chevalier de La Bussière demande l’autorisation de convertir en moulin à blé sa forge de La Moquerie (numéro de plan cadastral 270), ce qui est effectif dès 1830. Le moulin de la Moquerie appartient ensuite : à Jacques Soupe, non meunier, qui en tire le revenu fiscal net de 200 f vers 1840 (AD, 3 P 218/3). Le dossier S2315 des AD montre que le moulin de la Moquerie comporte deux bâtiments se faisant face, avec chacun sa roue.

– Le Fourneau, qui appartient à Mme Paichereau en 1837 et 1843, comprend entre autres le haut fourneau, deux lavoirs à bras, un bocard à laitier… (AD série S). Il devient moulin à blé en 1848 (La Nièvre Royaume des Forges).

Prémery – Grosse Forge en 1837 (AD)

Mme Paichereau aménage une filature dans un de ses établissements en 1843 (à l’ancienne Petite Forge, écrit M. Carré) ; elle utilise la force hydraulique puisque l‘ingénieur des Ponts et Chaussées déplore qu‘elle ait été construite sans autorisation, à quoi la dame répond qu‘en fait elle utilise le bief de la “grosse forge”.

Mais cela me rend perplexe. J’ai en effet trouvé dans Le Journal de la Nièvre en 1850 l’annonce de la recherche d’un “fermier” pour “une grosse forge, une petite et un bocard à sable de laitier », puis en 1852 : “A vendre“terre de Prémery”, dont haut-fourneau comprenant un moulin de bocard…, donnant 1000 à 1 200 F par an, le tout mis à prix 60 000 F, puis grosse forge et filature affermée 700 F, le tout mis à prix 25 000, puis un moulin à farine monté à l‘anglaise, à l’intérieur de la ville, affermé 1500, le tout 30 000, etc…” (dont logements pour les ouvriers). Je crois pouvoir en déduire que le “Fourneau” et le “moulin de la Ville” font partie de la même propriété. Toute cette immense propriété est encore à vendre en 1853, décomposée en « lots », dont je retiens :

« Premier lot : le château…

Deuxième lot : un haut fourneau, petite forge, moulin de bocard, etc...

Quatrième lot : Une grosse forge, etc…

Cinquième lot : Un moulin à farine avec mécanisme anglais mis à prix 30 000 F. « 

Toutefois une obscurité subsiste : selon les matrices cadastrales (AD, 3 P 218/3), le moulin de la Ville, plan 39, appartient vers 1840 à Pierre Barreau, meunier, puis en 1858 à “Pierre Barreau et consorts”, et en 1859 à Victor Lebas, meunier. A l’époque de Pierre Barreau seul, il lui rapporte 142 F de revenu fiscal net. Il dispose de 3 portes et fenêtres : c’est donc vraiment un petit moulin. Cela mène à envisager qu’il y avait sur le site du “moulin de la ville” tel que nous le connaissons deux moulins différents appartenant à deux propriétaires distincts.

Pendant ce temps le moulin de La Valotte est à vendre en 1835 puis poursuit sa carrière (Journal de la Nièvre). En 1855, il est victime d’un incendie, le meunier étant Pierre Charlon ; le feu a été mis par un domestique de 14 ans, Edme Gillot ; dépêché à la grange pour travailler une lampe à la main, et soudain appelé à autre chose, il a laissé la lampe allumée tout près du foin (AD M 1743).

Les matrices cadastrales des années 1840 indiquent un établissement qui a peut-être utilisé la force hydraulique ou une machine à vapeur : la filature plan 224, à Zacharie puis Emile Fournier, revenu fiscal net 60 vers 1840. On remarque encore deux fabriques de plâtre (le plâtre était issu de la pulvérisation du gypse par des meules ou des pilons, pour lesquels la force d’un animal pouvait suffire). La première, sise plan 228, appartenait au même Zacharie Fournier, revenu fiscal net 40, est “sortie” du registre en 1862, la seconde plan 95, à François Baillard, “plâtrier-peintre”, a été démolie en 1862.

Le dossier 7 S 4148 des Archives Départementales montre en fonctionnement en 1843 le moulin des Chaumes, appartenant à M. Rousset.

Après 1850

En 1852 le meunier du moulin des Chailloux, M.  Lelu, est poursuivi en justice parce qu’il refuse de payer un solde de 120 F à son propriétaire (JN).

En 1855, une annonce recherchant un nouveau fermier pour le moulin de la Moquerie indique qu’il est monté à l’anglaise et dispose de 4 paires de meules (jn). Le moulin appartient à M. Charry en 1858 (notaire Frigolet). C’est M. Lebas fils qui en devient le meunier.

En 1859, le moulin de la Ville, emporté dans la faillite de son propriétaire M. Lebas (un parent du meunier évoqué ci-dessus?), n’est mis à prix que 2 000 F.

La veuve Paichereau met en vente le Fourneau, toujours entreprise métallurgique : il consiste en un haut fourneau avec soufflerie à air chaud, mis à prix 40 000 F, l’exploitant payant un bail de 3500 F, plus un moulin à sable ou bocard mis à pris 10 000 F et affermé 1000 F par an. L’annonce du Journal de la Nièvre met en valeur que ce Fourneau est bien placé, à seulement 4 km de la mine de Sangué.  L’ensemble est encore à vendre en 1863, l’annonce le situant à… 2 km des “riches mines de Sangué”.

Dans les années qui suivent, quelques annonces ou articles divers dans Le Journal de la Nièvre indiquent ces moulins à Prémery : 

– La Moquerie : en 1864, apparaît comme appartenant à nouveau au comte de Charry, gendre de la Bussière ; c’est un beau moulin à l’anglaise et comptant 4 paires de meules, plus des 1 ha 83 de “pré” et 4,35 de “terres”. En 1874, son nouveau propriétaire, M. Soupe, cherche un fermier pour l’exploiter. Cela se renouvelle en 1887.

– Le moulin des Chailloux est cité parmi les moulins fonctionnant en 1870. 

– La Vallote est mis en vente en 1874 par la veuve Charton.

Sylviane Jurquet écrit dans l’article de 2010 que le moulin de la Ville devient une taillanderie (fabrique d’outils en fer) avant d’être converti en moulin à grain.

En 1870, l’enquête administrative montre que Prémery dispose des moulins suivants : la Ville, « Usine du Fourneau », La Moquerie, Chailloux et Les Chaumes ( (AD S10150). 

Ancien moulin du Fourneau


Plan du moulin des Chailloux (AD)

Carré écrit qu’à la Grosse Forge subsiste un moulin bocard à laitier jusqu’en 1877, date de sa transformation en moulin à blé. 

Le moulin des Chailloux est agrandi, devient un haut moulin à trois niveaux voire  4.  (Selon la Nièvre Royaume des Forges, c’est sur l’ancien site de La Moquerie, mais Carré dit qu’il n’y reste rien de l’ancienne forge… Ce qu’il écrit également à propos du site de l’ancienne forge des Chailloux.)

En 1885, Prémery compte 5 moulins à farine employant 15 ouvriers payés de 2,5 à 3 F par jour, ainsi qu’une filature qui en emploie 2 rémunérés de 2 à 3 F (AD M 6326) ; cependant, si la filature se maintient désormais sans salarié, car tenue par un homme et son fils, plus que 4 moulins en 1887, qui s’attirent cette observation du maire à l’occasion d’une enquête administrative hélas à la calligraphie confuse  : « Il existe 4 moulins exploités par les propriétaires assistés de domestiques à gage fixe… Ils ne sont pas considérés comme de grands moulins », en tout cas ne fonctionnant pas comme « de commerce » (M6335).

Pour 1890, le dossier 2P 517 des AD met en valeur la taxe sur les instruments de pesage que payent les différents meuniers ou exploitants proches : M. Champeau au moulin des Chaumes : 4,73 F ; Léon Fournier, filateur 5,52 ; Louis Goux meunier au Chaillou 5,43 ; Trameçon Léonard à La Valotte 4,23.

Autre liste d’impôts assumés par des meuniers :  

– Au moulin des Chaumes, d’une part François Champeau seul 12,04, d’autre part Champeau François et Lejault  moulin des Chaumes 75,10 (mais il semble que deux meuniers s’appellent Champeau François

– Au moulin de la Ville François Champeau 42,43, et Louis Champeau au moulin de la Ville 27,23 (rien n’indique que ce François Champeau du moulin de la Ville soit un des deux du moulin des Chaumes).

– A la filature la veuve Zacharie Fournier 8,64 et Léon Fournier (probablement son fils), filateur 22,22

– Louis Goux meunier au Chailloux 51,94

– François Goux Menard, meunier au Fourneau 15,44

– Guillaume Trameçon à La Valotte, non marqué meunier, 6,82, puis sa veuve 15,43.

Ancien moulin des Chailloux

Le 30 avril 1892, le Journal de la Nièvre annonce à vendre à l’amiable :

– Une filature exploitée à Prémery

– Une usine hydraulique sise à Prémery, sur la rivière de Nièvre, 2 roues, force motrice 40 chevaux. “Belle maison d’habitation, vastes ateliers, remises, hangar, écuries, grande cour, jardins et prés, le tout contenant 2 ha 60 ares, sur la ligne de Clamecy à Nevers. »

Le 21 juin 1896, le Journal de la Nièvre annonce un accident mortel survenu au moulin des Chaumes : les deux fils du meunier M. Champeau, âgés de 7 et 9 ans, jouaient à se suspendre à l’arrière du timon d’une charrette chargée de grains ; mais on détela le cheval ; de ce fait rien n’a retenu la charrette : celle ci s’est renversée, le grain basculant sur le plus jeune fils. Etouffé, il a expiré quelques heures plus tard.

XXe siècle

Un incendie au début du XXe siècle entraîne la fin de l’exploitation du moulin des Chailloux (Ref : La Nièvre royaume des forges).

En 1901, Le Journal de la Nièvre annonce à vendre ou à louer le Moulin de la Ville, « monté tout à neuf » avec turbine. 

Pour la période de 1908 à 1911, le dossier 2P 518 des AD montre le revenu net des meuniers suivants :

– Au moulin de la Ville, François Champeau meunier 300, et Muter Joseph 400,50.

– François Champeau Minard moulin des Chaumes 178,18

– Goux Jean meunier au Fourneau 10 en 1911

– Louis Guillaume garçon meunier 69 (mais j’ignore dans quel moulin).

– Guillaume Trameçon, non marqué meunier, 780 sur le bâti de la Valotte

Puis en 1912 :

– François Champeau moulin des Chaumes 1197 sur le bâti, 766,40 le non bâti. En 1917, ce moulin fait partie de ceux assujetti au contrôle du Ravaitaillement général, administration répartissant le blé disponible entre les moulins, à cause de la pénurie due à la guerre (AD, série M, contrôle des moulins).

– Joseph Muter meunier au moulin de la ville 400

En 1917 : Trameçon 780 sur le bâti du moulin de la Valotte

Prémery : Moulin de la Ville

Pour les années 1922-26, le revenu fiscal net des meuniers est indiqué ainsi par le dossier 2P 519 :

– Laurent Chamouard, meunier au moulin de La Valotte puis Chaufournier meunier : 780 F en 1924.

– François Champeau meunier au moulin des Chaumes 1287 en 1922 sur le bâti,puis en 1924 sa veuve 377,30.

– Champeau-Levraut meunier au moulin des Chaumes 792 en 1924, 1977 en 1926

– Edouard Jardoux galochier au Moulin de la Ville 120 (ce moulin ne travaille donc plus le blé, mais ses roues animent des machines telles que des tours à bois, afin de fabriquer les galoches, qui sont des sabots munis d‘attaches en cuir).

Je remarque aussi Louis Laurent Meunier tuilier aux Battants 337,50 : une grande tuilerie, donc, qui dispose probablement de meules pour chasser les bulles d’air de la pâte.

Pour 1927 :

– Chamouard Laurent meunier à Valotte 1609

– Léonard Champeau meunier aux Chaumes  1977 

– Edouard Jardoux galocher au Moulin de la Ville 5 F (le moulin de la Ville est probablement en réaménagement pour mieux produire des galoches).

Les moulins de commerce à bonne capacité de production sont plus nombreux en 1929. Le dossier M5573 des AD comporte une liste de moulins à la capacité de production en 24 heures supérieure à 10 quintaux, tous à cylindres, dont à Prémery : Les Chaumes mené par Léonard Champeau 60, et La Valotte par Laurent Chamouard 30. Ce sont leurs meuniers en 1934.

Le dossier 2P519 des AD indique le revenu net fiscal suivant en 1932-35 :

– Laurent Chamouard meunier à la Valotte 1609

– Léonard Champeau meunier aux Chaumes 1977

– Jardoux galochier au Moulin de la Ville 372,50 en 1934

– Lièvre tuilier au lieu-dit “La Tuilerie” 375

– Louis Meunier tuilier aux Battants 613

– François Rossignol au moulin des Chaumes 149 (sans doute un adjoint de Léonard Champeau).

Le 2P 520 contient un dossier relatif aux patentes de 1936. A La Valotte le meunier Laurent Chamouard, achète les matières premières pour moudre, mais dans le même hameau Emile Billot dispose d‘une paire de meules. Aux Chaumes Léonard Champeau dispose de paires de cylindres à 0,60 et à 0,30 cm. 

Le revenu net fiscal de 1936 à 1939 est stable pour trois exploitants ; Chamouard 1609, Champeau 1277, Jardoux 372. Pour Billot, il évolue ainsi : 274, 278, 311, 298

Une bizarrerie : l’Annuaire de la Nièvre de 1937 indique à Prémery une “manufacture de plâtre” Archambault Fity, qui utilise peut-être des meules, mais en fait elle doit être plutôt sur une petite commune proche. Reste à savoir laquelle…

En 1940, Prémery dispose de deux moulins (enquête administrative AD 998 W 121) :

– La Valotte, meunier M. Chamouard L.,capacité annuelle 7 500 q, contingent 5620 ;

– Les Chaumes : Champeau L., 9 000 et 5 510.

Ancien moulin des Chaumes

Les annuaires de la meunerie après 1945 montrent deux moulins en activité à Prémery :

Les Chaumes, tenu par Georges Champeau. Il traite 5512 quintaux par an en 1953 et 1956. Il marche d’une manière mixte en utilisant et l’hydroélectricité qu’il produit et l’électricité qu’il achète à EDF. Il est modestement classé en catégorie 1 ensuite (capacité inférieure à 10 quintaux par 24 heures). Toutefois le moulin semble plus considérable en 1970, toujours sous la direction d‘un M. Champeau..

La Valotte, tenu par I. et Y. Rolland : également en catégorie 1 en 1947 et 1951. 

En 2017 on peut observer :

– D’anciens bâtiments au Fourneau

– Le joli petit moulin de Valotte, avec son petit réservoir et une magnifique meule qui travailla sans doute plutôt l’huile que le grain de blé.

Meule de La Valotte

– Le moulin de la Ville, plutôt joli; avec deux roues : l’une visible du “Pont de Varzy”, l’autre du plan d’eau de Prémery. On peut observer que le plan actuel est exactement celui de 1837 (AD S 4158)

En sortant de Prémery en direction de Nevers, on aperçoit à gauche un grand bâtiment : c’est l’ancien moulin des Chaumes.

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Sur la Nièvre d’Arzembouy : Sichamps et Poiseux

Sichamps

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée : Moulin à Sichamps 1504 ; La Forge 1694  ; moulin Paget 1833 ; bocard à laitier 1837 ; Le Foulon : moulin 1855. « Ancien moulin à vent » en 1894.

A la seigneurie de Sichamps,  le 25 novembre 1504 : Etienne Colinet assigné pour avoir dérobé quantité de blé au moulin du seigneur (Bulletin de la Sté nivernaise, tome VII XVIIe volume, 1897). C’est probablement à Sichamps, mais la seigneurie était très étendue, loin au-delà des limites de l’actuelle commune.

En 1837, M. Morizot projette de construire un moulin à blé à côté de la forge lui appartenant (en fait il y a déjà un bocard à laitier). Ce moulin fait l’objet d’une ordonnance préfectorale portant règlement d’eau le 11 novembre 1844. Mais Morizot fait faillite, et M. de Charry achète l’ensemble. C’est sans doute lui qui le convertit en moulin à blé. Le plan ci-joint est de 1843.

Plan AD S 2223

Le moulin, désormais dit “de la Forge”, contient aussi un foulon. L’eau passe à droite et à gauche de l’usine, menant une roue de chaque côté. Il en demeure un ancien atelier annexe, dont un linteau porte la date de 1833.

Il existe alors à Sichamps un autre moulin, situé en amont de la Forge, et en aval du moulin des Chailloux de Prémery. Ce second moulin de Sichamps, appartenant à M. Paget en 1850, comporte un moulin à blé et un foulon. Il est dit moulin Paget, ou Moulin du Foulon, voire un temps “moulin de Sichamps” (mais après sa disparition c’est le moulin de la Forge qu’on appellera “moulin de Sichamps”). Il bénéficie d’un arrêté du 30 juillet 1852 portant règlement d‘eau.

Plan AD 2223

Paulin Fay relève dans le recensement de 1855 que respectivement les moulins de la Forge et du Foulon ont 14 et 6 habitants.

– Les recensements mettent en valeur ceci : 1861 : 

. moulin du Foulon, Louis Goux meunier 29 ans, sa femme 23, deux filles

. moulin de la Forge : René Pic, meunier, 34 ans, son épouse Marie Guyon, 26, 2 filles, 2 charretiers, 2 domestiques femmes

. 1866 : 

. Moulin du Foulon, à Pierre Lauret propriétaire semble-t-il non meunier

. René Pic et sa femme emploient 3 domestiques de 56, 21 et 18 ans, plus un « enfant trouvé » de 10 ans.

. 1872 : 

. Moulin du Foulon, Pierre Lauret, « chef d’usine », 32 ans, sa femme 36, 1 fils 2 ans, 1 domestique 17 ans.

. Moulin de la Forge : René Pic, « chef d’usine », 2 domestiques.

En 1870, Sichamps dispose des moulins suivants : « Sichamps », Paget et La Forge (AD S10150). Comme il n’est pas cité dans les recensements, cela implique que le moulin dit « de Sichamps » ne contient pas une local d’habitation pour le meunier. Dans cette période, l’architecte Bouvault, sans doute sollicité pour des travaux, dresse le plan de la roue du moulin Paget.

Roue du moulin de SAget AS 54J 720

L’année 1879 est marquée par une terrible crue de la Nièvre qui fait de gros dégâts aux moulins de la commune de Sichamps : 

– L’empellement du « moulin de Sichamps » est emporté par les inondations de l’hiver 1879. Peut-être est-ce cela qui met fin à son histoire puisque je n’en trouve plus trace dans les matrices cadastrales après 1882. Il est vrai qu’il était moins doué que le moulin de la Forge : son revenu fiscal net était les derniers temps de 160 F, contre 600 à son puissant voisin.

– Au moulin du Foulon, les inondations détruisent le barrage et les empellements. M. Loret demande à les reconstruire à un autre endroit, mais il se heurte à l’opposition des riverains et du maire, car il en résulterait des risques d’inondation pour les prés des voisins. Le préfet prend en 1886 un nouvel arrêté portant règlement d’eau pour résoudre le problème. En 1892, un beau plan des lieux en couleurs définit l’établissement comme un « ancien moulin » (dossier des archives communales).

Le moulin de la Forge, devenu parfois le “moulin de Sichamps”, continue sa bonne carrière. En 1880, le Journal de la Nièvre annonce qu’un sac de blé a été volé à M. Beaufils, meunier au “moulin de Sichamps” (donc M. Loret n‘exploite pas directement). 

Sichamps ne dispose que d’un seul moulin en 1885 (AD M 6327).

Le 12 janvier 1897, l’ingénieur des ponts et chaussées adresse un rapport au préfet. M. Tardy, meunier, fermier de M. de Charry (qui est redevenu propriétaire du moulin), refuse de lever les pelles en cas d’inondation. Le maire lui dresse procès-verbal en novembre 1896, mais ça n’entraîne qu’une amende d’1 F. Le maire demande au préfet ce qu’il peut faire d’autre. L’ingénieur des eaux rappelle que le maire a la possibilité de lever les pelles d’autorité, aux frais du récalcitrant. Tardy s’expose à de plus graves sanctions en correctionnelle. (AD S6581).

En 1910, le moulin de Sichamps fait partie des victimes des fameuses inondations. Son seul ouvrier est mis au chômage.

En 1927, 1931, 1934 son meunier est M. Francis Dussault (il paye une patente de 84,80 F en 1935, 294 F en 1937, 334 en 1938. Dussault est encore meunier courant 1939, mais son nom est barré sur la ligne de cette année-là. Le moulin de Sichamps est plutôt considérable avec ses deux turbines d’une puissance totale de 25 chevaux.

En 1940 l’administration estime le moulin de la Forge à Sichamps capable de produire 18 000 quintaux de farine par an, sauf que le meunier semble mobilisé et le moulin arrêté. Bizarrement, une autre enquête administrative indique ceci la même année 1940,  le « moulin de La Forge » a une capacité annuelle de 15 000 quintaux mais un contingent de seulement 11 400 (AD 998 w 121). Selon le dossier des Archives communales conservé aux Archives départementales, en 1941 Jean Rolland, qui vient de l’acquérir, est autorisé à continuer à exploiter son « moulin et commerce s’y rapportant » par arrêté préfectoral.


Papier à en^tête

Sous l’Occupation, m’expose notre ami Jean-Pierre Courault, désormais propriétaire de l’ancien moulin, Jean Rolland prend des risques en hébergeant des maquisards. Louis Bodin et ses camarades viennent de sortir du moulin lorsqu’ils croisent sur la route des Allemands : au cours de la fusillade Louis Bodin est tué, comme le rappelle une stèle. Jean Rolland stocke aussi du blé dans le grenier au-dessus de sa maison de meunier : mais une quantité telle qu’une poutre finit par céder ! Comme le moulin dispose de silos « officiels », ce blé caché au grenier est probablement clandestin pour échapper aux réquisitions allemandes, mais aussi aux contrôles de l’administration française. On peut aussi penser que Rolland doit moudre clandestinement.

Dans les annuaires de la meunerie après 1945 se maintient le moulin de Sichamps, L’exploitant déclaré est Jean Rolland, d’abord avec son frère en 1947, puis seul en 1953. Jean Rolland, quoique né en 1897, le vend à Georges Brionnet en 1955 : Jean n’a donc que 58 ans, mais il se définit comme « mécanicien », ce qui paraît impliquer qu’il n’exploite déjà plus directement le moulin et ne veut plus exercer le métier. 

Le contrat de vente, que conserve notre ami Jean-Pierre Courault, contient la description du moulin. Il y a plusieurs machines à cylindres : à savoir entre autres deux broyeurs doubles de 400 X 220 mm, un convertisseur double de 600X220 et un simple de même dimension, un plansichter à huit entrées, un aspirateur à air, un nettoyeur, un mouilleur à chaud pour humecter le grain avant de le lancer à la mouture, une mélangeuse de farine, « une » meule à gruaux et « une » à orge. Les machines à cylindres sont d’avant 1900. M. Brionnet paye 4 millions de francs de l’époque pour acquérir le moulin, dont le chiffre d’affaires a été de 21 millions 69 220 F en 1952 et 18 millions 173 487 en 1954, et dont le bénéfice pour 1952 a été de 474 745 F en 1952, et 603 855 en 1954. Le contrat de vente contient une clause interdisant à M. Rolland de tenir un moulin ni même de s’intéresser sous quelque forme que ce soit à un commerce analogue.

Georges Brionnet est minotier dans le Puy de Dôme, où il possède et exploite plusieurs moulins ; curiosité, c’est parce qu’il a été maquisard dans la Nièvre et notamment hébergé au moulin de Sichamps qu’il décide de l’ajouter à son capital. Naturellement il n’exploitera pas lui-même, confiant le moulin à un chef meunier. Parmi ceux-ci notre ami Jean-Pierre Courault a connu M. Pierre, père de l’actuel minotier de Sancergue. En tout cas le moulin de Sichamps conserve son contingent de 11400 quintaux, marchant de manière mixte à l’hydraulique et au gaz pauvre.

Le moulin fonctionne encore plusieurs années, mais de plus en plus il se définit comme centre de commerce du grain et des farines. Il s’éteint peu à peu, en tout cas au plus tard en 1981. Son matériel est pour l’essentiel démonté et vendu (pour extraire certaines machines, d’aucuns acheteurs n’hésitent pas à défoncer le toit, me dit Jean-Pierre).

Un de ses amis décorateur à la faïencerie Montagnon a représenté le moulin dans cette superbe assiette en faïence. On remarque les dimensions du moulin.

Poiseux

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée :  

Au Moyen Age 3 moulins, 3 hauts-fourneaux et des forges. Poiseux : ensemble de 6 forges en 1800. Forges : La Belouze XIIIe,  Vérille 1579 ; Marcy XVe (foulon 1659), Mauvron 1639. Carte Cassini vers 1754 : Poisson ( 2 forges), Grosse-Forge  ; Mauvron  ; Laintry . 1770 : Les Martinets 1770, Forge d’en Bas au bourg de Poiseux, et Chaillant haut-fourneau (1754) ; moulins Thou 1790.

Tous les établissements hydrauliques de Poiseux semblent avoir bénéficié des eaux de la Nièvre, à l’exception possible du haut fourneau de Chailloux, peut-être animé par le ruisseau du même nom. Dans sa “Monographie de Poiseux” (volume 13 des Mémoire de la Sociét Nivernaise des Sciences, Lettres et Arts), Antoine Julien écrit que Poiseux a compté 8 forges et hauts fourneaux, parmi lesquels on remarque la Forge de la Belouze, qui, comportant un bocard en 1783, sera un jour un moulin. Il cite aussi un petit moulin non loin “de la cure de Poiseux” donc tout près du centre du bourg. Il cite encore un moulin de Vrille qui en 1554 est soumis à une “redevance bourdelière”. Il évoque le moulin de Mauvron qui fait partie d’une grosse exploitation autour d’une forge en 1639. Sur la carte Cassini dressée vers 1754 on le voit comme une forge. Elle est transformée en moulin à grain en 1794, par un sieur Boisson.

Au moment de la Révolution, Andras de Poiseux ou de Marcy possède le fourneau de Chaillant, qu’il afferme à un sieur Petit, lui-même fermier de la forge de la Belouze.

En 1809, Poiseux n’a aucun moulin à blé (AD, S4173).

Lors de la mise au point du cadastre (AD, 3p212), de 1820 à 1838, subsistent un fourneau (revenu fiscal et estimé 1500 F) et 3 forges (520, 460 et 120), appartenant à la famille Andras de Marcy. A Poisson la forge et tuilerie de M. Leroy de Prunevaux semble ne plus marcher. Existent également le moulin de Poiseux, dans le bourg, à Joseph Vallois (300 F) et le moulin de Mauvron à Jean-Louis Boisson (250). Ces deux moulins sont cités par l’enquête administrative de 1840 (S1474).

Les années suivantes les forges s’arrêtent, certaines pour être converties en moulin à grain : la Belouse (5 roues en 1813), La Petite Forge (3 roues) en 1848, la forge de Marcy en 1868 ou 69, la Grosse Forge de Poiseux (autrefois 3 roues) en 1876 (AD S 2314, 4157 et 10 343, plus La Nièvre royaume des Forges). D’autres sont purement et simplement détruites telle la Forge des Martinets.

Plan de la Blouse (AD)

Dans les années 1840, Mauvron est un moulin à blé, possédé par les frères Jean et Jean-Louis Boisson, le premier étant le meunier. Il est cité parmi les moulins fonctionnant en 1870. 

Poiseux : plan du moulin de Mauvron

Le site de Poisson est assez complexe : il semble avoir eu dans les années 1840 et une forge et un moulin à grain, et en 1855 il ne reste qu’un moulin à grain, mais qui paraît résulter de la transformation de la forge.

Dans son livre de 1860 exploitant le recensement de 1855, Paulin Fay dit que le moulin de Poisson a 7 habitants, et « l’usine » de la Grosse Forge 18.

Le moulin de Mauvron poursuit une humble carrière, son bief étant renforcé par le ruisseau de Chailloux. Il est cité parmi les moulins fonctionnant en 1870, où on remarque un « Bocard des Martinets » (AD, S10150).

Roue du Bocard des Martinets

En 1881, le propriétaire et meunier de Mauvron est Victor Fracas : il dispose de 2 paires de meules, et son revenu fiscal net est de 55,90 F. En 1889, son successeur Pierre Picq n’y perçoit plus que le revenu fiscal net de 20,50.

La Belouze et Mauvron sont cités dans la liste des moulins de 1870  (AD S10150).

La Forge de la Belouze subsiste comme moulin notamment avec un bocard à laitier, mais son matériel de moulin à grain est vendu à La Grosse Forge en 1876, un moment où justement celle-ci est convertie en moulin à blé. Le bocard demeure en fonctionnement quelques décennies, son propriétaire Andras de Marcy se définissant comme « exploitant ». Mais un revenu fiscal net bien mince : 12 F en 1881, 16 en 1890 (heureusement pour lui, en réalité, Andras gagne sa vie à Rome comme secrétaire du pape).

Dans son ouvrage sur les noms de lieu de la Nièvre, de 1896, Vallière indique « moul » (pour moulin) après les noms Grosse Forge, Marcy et Poisson, mais pas Mauvron : je suis sceptique ; peut-être ce moulin n’était-il que provisoirement arrêté et aura été relancé par la suite, mais en demeurant un petit moulin ; je ne le trouve pas dans les grands moulins commerciaux pendant la guerre de 1914, ni après, ni dans la liste des moulins en activité en 1953 et 1970.

Le dossier du notaire Dauphin 3E27/444  des AD montre que M. Adolphe Roux, propriétaire et meunier du moulin devenu « de la Grosse Forge de Poiseux », est mort en 1877, laissant l’affaire à sa veuve et ses trois fils mineurs. 

En 1895, la veuve laisse l’affaire : le fils ainé Adolphe 31 ans, meunier au moulin de Champaudon, achète le moulin de la Grosse Forge, où le meunier est son petit frère Louis 25 ans), Augustine Roux (30 ans) étant mariée à Joseph Roux «rentier ». Adolphe n’achète cependant que l’immeuble moulin et le terrain nécessaire pour y accéder ainsi que le bief, mais pas le reste de l’ensemble immobilier, donc pas les bâtiments annexes, ni les terres agricoles. On apprend au passage qu’il s’agit d’un grand moulin « nouvellement construit ». Un beau plan en couleur met en valeur la difficulté du partage, la valeur de l’ensemble de la propriété hors moulin étant de 12 000 F. On a l’impression que le « moulin » est petit : en effet, l’échelle montre que l’atelier moulin proprement dit n’occupe qu’un carré de 6 mètres de côté ; c’est oublier que l’immeuble est haut, et que les machines se déploient sur plusieurs niveaux.

Plan du moulin de la Grosse Forge

Un litige survient cependant : la veuve Roux entend se retirer moyennant une pension alimentaire, mais Louis refuse de verser sa part. En cette occasion

En 1895 la presse annonce à vendre le moulin à blé de la Grosse Forge. Il devient le moulin de la Forge ou moulin de Poiseux, toujours possédé et mené par la famille Roux. Il est victime d’un incendie en 1888 mais il est réparé. Les Roux le mènent valablement avec une bonne progression du revenu fiscal net : 78,73 en 1881, 84,59 en 1889, 125,67 en 1890, 720 en 1908, 900 en 1916, 930 en 1922, 1365 de 1926 à 1936. Cette année-là le moulin de Poiseux est tenu par M. Roux.

En 1940, selon l’enquête administrative, le moulin de Poiseux a une capacité de mouture annuelle de 6 000 quintaux mais son contingent est fixé à 3 385. De toute façon aucun nom de meunier n’est indiqué, le titulaire étant sans doute mobilisé (AD, 998 W 121).

Poiseux : ancien moulin de la Grosse Forge

Sur la Renève : Nolay

Liste des moulins connus de nous, avec la date la plus ancienne d’existence trouvée :  Mauboux, forge en 1670 (deux moulins en 1840) ; Boucard 1682. Bilourd forge 1690. La Place (forge début du XVIIIe siècle) et l’Abyme  ; Rigny 1704 (2 en 1840) ; Baudreuil 1704. Carte Cassini vers 1754 : Prunevaux et L’Abbeye ou Abège ; Orbec 1809 ; Les Moulins Neufs (cité par De Soultrait dans son livre de 1865).

Notre ami Alain Bouthier a publié un article sur les « fourneaux de Mauboux » dans Le Marteau Pilon de 1994. Concernant l’équipement, il cite un bail de 1682 par lequel sont affermés « les 2 fourneaux de Mauboux, le boucard, etc. ». Alain pense que les « fourneaux » ont cessé de marcher peu avant 1690.

En 1704 fonctionnent les moulins de Rigny et de Billourd (AD, B86).

La carte Cassini jette dans la perplexité : elle montre le lieu-dit Maubout (sans moulin) puis un moulin à Prunevaux, mais sur une rivière rejoignant Poiseux par Mortange en roulant plein est. Or l’actuelle carte IGN au 1/25 000 montre les ruisseaux de Prunevaux et de Maubout coulant plein nord pour rejoindre la Renève à Nolay ! Lors d’une visite du site, nous avons été menés à envisager qu’un glissement de terrain aurait pu provoquer un changement du sens de l’écoulement de la rivière, cela à une date inconnue.

En 1766, l’inventaire des biens de feu Eustache de Chéry montre qu’il était « fermier » de la « forge du moulin Bilourd » ; à ce titre il devait encore 750 livres pour 9 mois de jouissance, ce qui indique qu’il devait chaque année un fermage de 1000 livres (AD 30 J 236).

En 1794, le moulin de l’Abîme travaille aussi bien le fer que le grain de blé. (Ref : La Nièvre royaume des forges).

Nolay a cinq moulins à blé en 1809 : l’Abîme, Bilours, Orbec et deux à Mauboux, chacun à une seule roue, travaillant « à la grosse », et munis de meules de La Fermeté (enquête sur les moulins de 1809, AD). En 1811, l’Abîme comprend une « petite forge » et un moulin à grain, mais ses roues sont en très mauvais état (lettre de M. Lièvre, AD S 4154).

Au XIXe siècle, la plupart des forges de Nolay, pour les mêmes raisons que celles de Prémery, sont converties en moulins à blé, dont 

– Celle de la Place en 1843, « remplacée par un moulin à blé » précise le dossier S 4154 des AD. Il contient un plan montrant la forge en 1813, équipée de 2 roues, dont une à 4 bras de chaque côté. 

– Celle de Bilourd, qui en 1813 avait 3 roues (S4154) ; elle ferme avant 1849 ; le bâtiment sera surélevé plus tard d‘un étage pour recevoir des engins de meunerie. (Ref La Nièvre Royaume des Forges). Ci-après plan trouvé aux Archives départementales dossier S4154.

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En 1840, Nolay dispose des moulins suivants : deux à Rigny, un à Orbec et 2 à Mauboux.

En 1849, le Journal de la Nièvre indique deux moulins à affermer sous l’étang Bilourd : le moulin de Rigny et “le moulin de la Forge Bilour”, chacun équipé de deux paires de meules. 

Le même journal est encore plus précis en 1852 à propos du “moulin Bilour”. C’est qu’il est à vendre, suite à la saisie des biens de la veuve de François Pic, lequel en était propriétaire et meunier. Il consiste en un ensemble de bâtiments assez important, dont celui du moulin proprement dit, bâti à “pierres, chaux sables, tuiles”, équipé de deux paires de meules montées à l’anglaise, ses dimensions au sol étant de 15 m x 12. Il est mis à prix 18000 F. Curiosité : un autre bâtiment sur le site de l‘ancienne forge Bilour est dit  “de la Vieille Forge”, comprenant des laitiers (amas de résidus de l‘exploitation du fer exploitables), et il appartient, à M. Septier.

Paulin Fay indique en 1855 au moulin de La Place 8 habitants et à celui de Billour 19, ainsi qu’un moulin aux hameaux de Rigny et de Maubout.

Moulin de la Place (AD)

Le Journal de la Nièvre 27 juillet 1858 montre que si Maubout compte deux moulins, ils ont un bief commun, mais des propriétaires différents. L’article concerne surtout le « moulin d’En Bas de Mauboux : Sébastien Vageon, son propriétaire et meunier est mis en faillite et ses biens saisis. D’où une description de ses biens, dont : son moulin « construit en pierres, chaux et sable, couvert en tuiles… ce moulin est monté à l’ancien système, à une paire de meules, garni de ses bluteries, tourillons, roue et de tous les accessoires nécessaires…il est compris dans le corps de bâtiment ci-après ; une maison attenante au moulin ci-dessus, construite en terre, chaux et sable, couverte en tuiles, composée d’une chambre à feu et d’un grenier au-dessus ; une grange et écurie de construction récente… » Accessoirement on apprend que le moulin d’En Haut de Mauboux appartient à un sieur Lavache. Ultérieurement, mis en vente, l’annonce le décrit comme un bocard avec roue en bois, doté de deux marteaux en fonte et grille de fer pour broyer le laitier. L’ensemble de la propriété, avec les terres, est mis à prix 1 166,67 F.  

Le même quotidien propose en 1865 à affermer le moulin à blé de l’Abîme, sur Rigny, puis en 1876 à vendre le moulin Bilour doté de 2 paires de meules. Le moulin de l‘Abîme est à nouveau à affermer en 1883 (il a deux paires de meules, est-il précisé).

La liste des moulins de 1870 indique à Nolay les moulins de Bilour et de Rigny, celui-ci appartenant à M. Septier.

Les matrices cadastrales 2P 484 des AD indiquent les meuniers en activité dans les années 1880 à 90.

1880 : Jean Brossard est meunier à la Forge de Billour (il paye un impôt de 12,50 F), Jean Cocard dit Leblond au moulin de Billour (17,73). D’autres meuniers apparaissent mais travaillant à Prémery (François Brossard, Jean Brossard, Louis Champeau, et à un moulin non cité François Goût). Peut-être le “moulin de Billour” est-il l’ancien moulin de Rigny.

1881, Jean Cocard dit Leblond tient le moulin de la Forge Billour (deux paires de meules, dont une chômant), François Goût exploite le moulin à farine de Billour (une seule paire de meules), et Pierre Lavache le moulin de l’Abîme (deux paires de meules dont une chômant), tandis que François Lagrange exploite au bourg une huilerie à manège avec une paire de meules et une presse.

Entre 1880 et 1890, à une date non précisée, Jean Cocard tient le moulin de Rigny (deux paires de meules dont une chômant).

En 1890 résistent Jean Cocard dit Leblond au moulin de “la Forge de Billourd”, et François Goût au “moulin de Billourd”, ainsi que François Lagrange en son huilerie du bourg ; chacun a un cheval et une voiture à 4 roues pour faire ses livraisons.

Les dossiers de la série M des Archives départementales relatifs à la « situation industrielle et commerciale de l’arrondissement de Nevers » indiquent à Nolay : 

. En 1884 3 moulins à farine, employant ensemble 2 ouvriers, payés 1, 50 F par jour.

. En 1885 : idem sauf un ouvrier payé 2 F, tous travaillant 12 heures par jour.

. En 1888, Nolay compte un moulin à blé et une huilerie (sans doute un des anciens moulins à eau converti) ; l’ouvrier du moulin à blé gagne 400 F par an pour 13 heures par jour. Celui de l’huilerie est payé 4 F par jour.

. En 1892, un moulin et une huilerie, dont les salariés perçoivent de 1,10 à 2,75 F par journée de 14 heures.

Vallière, en 1896, cite comme en activité les moulins de l’Abîme et de Billour.

En 1908, les documents fiscaux incitent au pessimisme : M. Bernard est censé exploiter le moulin de l’Abîme, mais la mention est barrée et il ne paye pas d’impôts, tandis que Philippe Huet, indiqué comme “meunier à la Forge de Bilourd” ne paye qu’un impôt de 1,13 F. On a l’impression que plus aucun moulin ne marche sur Nolay.

Le propriétaire de celui de l’Abîme cherche un fermier en 1909, mais je n’ai pas trouvé trace que l’exploitation ait continué. 

Ancien moulin Bilourd

En 1918, le moulin de Rigny semble le dernier de Nolay à travailler le grain de blé, puisqu’on trouve dans le dossier de la série M des Archives départementales des moulins assujettis au contrôle du Ravitaillement général une fiche le concernant : elle indique que pendant la semaine du 14 au 21 mars, le moulin a moulu 25 quintaux de blé, qui ont donné 22 quintaux de farine panifiable et 3 de son. 

La faible quantité traitée s’explique par le fait qu’à l’époque, la guerre occupant une bonne partie des terres à blé de l’est de la France, le grain manque, et cette administration dite Le Ravitaillement général s’occupe de répartir le peu de grain disponible. La fiche est signée par l’exploitant du moulin : il me semble distinguer que son nom est Philippoteau.