Ce que vous devez savoir avant d’acheter un moulin

Juridique

Définitions :

Un moulin est une usine implantée au bord d’un cours d’eau, et autorisée à utiliser l’énergie hydraulique de ce cours d’eau (par exemple comme force motrice pour animer des équipages ou pour la transformer en énergie électrique).

Le droit d’utiliser l’eau relève de l’art.644 du Code Civil, la seule réserve étant l’obligation de restituer l’eau à son cours ordinaire, après usage. Droit réel immobilier, il s’agit bien ‘un droit d’usage et non d’un droit de propriété.

Les canaux amenant l’eau au moulin depuis la prise d’eau et ceux destinés à la renvoyer au cours naturel de la rivière, lorsqu’ils ont été creusés de la main de l’homme pour usage exclusif du moulin, sont présumés en constituer l’accessoire, en application de l’art. 546 du Code Civil. Ils sont soumis à l’impôt foncier, qu’ils aient ou non un numéro de parcelle cadastrale. N’ayant pas la qualification de cours d’eau, les dispositions spécifiques au droit de riveraineté ne leur sont pas applicables. Les éléments constitutifs du dispositif hydraulique tels que barrage, vannages, déversoir sont également réputés appartenir au moulin.

Le règlement d’eau est un acte administratif valant autorisation d’utiliser l’eau et fixant les conditions de fonctionnement du moulin.

La fondation en titre, droit imprescriptible, résulte d’une occupation du cours d’eau -non domanial- avant 1790 (preuve pouvant être apportée par tout moyen : documents même privés ou justifications de certaines situations de fait très anciennes).

Mentions à faire figurer sur l’acte de vente d’un moulin

Désignation du moulin :

Il est essentiel de noter que la mention « ancien moulin » est excessivement restrictive, elle ne peut se comprendre que lorsque le moulin a perdu l’ensemble de ses caractéristiques de moulin et que le propriétaire a renoncé expressivement à ses droits. Elle devient en ce cas une simple clause de style n’affectant pas la nature de l’immeuble, et le nouveau propriétaire ne pourra s’en prévaloir pour faire reconnaître l’existence juridique du « moulin » .

Lors de la vente d’un moulin, il convient de préciser lorsque cela est attesté « bâti de temps immémorial » (cette mention se retrouve couramment dans les actes et documents anciens), d’indiquer qu’il tournait encore en …… ,

lorsque sa cessation d’activité est récente, et éventuellement « apte à produire de l’énergie hydraulique » lorsque le système hydraulique (prise d’eau, biefs, roue ou turbine, vannages …) existe, même si son état justifie des travaux de rénovation. Lorsque c’est le cas ne pas omettre de mentionner « muni ou muni partiellement de son équipage, en le détaillant : meules, engrenages, etc… ».

Règlement d’eau :

Celui qui entend vendre un « moulin » doit justifier de son droit d’eau afin que la qualité de moulin ne risque pas d’être contestée par la suite. Le droit d’usage de l’eau pour un moulin est matérialisé dans son « règlement d’eau ». S’agissant d’un document essentiel, le règlement d’eau (ou à défaut la justification et la consistance de l’existence légale) doit être annexé à l’acte de vente, le droit qui en résulte, attaché aux ouvrages, étant cessible par définition.

Certains moulins antérieurs à la Révolution peuvent ne jamais avoir été réglementés, il suffit en ce cas de justifier de l’existence dudit moulin (localisation sur la carte de Cassini, autorisations, baux, factures, actes de vente antérieurs à la Révolution, successions, ou vente de biens nationaux) avant l’abolition de la féodalité pour un moulin établi sur un cours d’eau non domanial, ou avant 1566 (Edit de Moulins) pour un moulin établi sur un cours d’eau domanial, et de définir sa « consistance légale », c’est-à-dire la puissance hydraulique nécessaire à son fonctionnement – cette consistance pouvant être présumée conforme à la consistance actuelle sauf preuve contraire à apporter par Administration : ces moulins sont dits « fondés en titre ».

Propriété des canaux :

L’acte de vente doit en outre impérativement mentionner que le moulin est vendu avec l’ensemble des ouvrages qui en constituent l’accessoire (prise d’eau, biefs, canaux, vannages, déversoirs). Cette mention est d’autant plus importante lorsque la prise d’eau a été établie sur un fonds supérieur n’appartenant pas au cédant ou vendu dans un lot distinct.

En cas de démembrement de la propriété d’un moulin, les canaux  d’amenée ou de fuite ne peuvent être vendus en tant que « terrains » : en effet à défaut de preuve contraire (démembrement de propriété antérieur dûment enregistré, actes à l’appui ) ils sont présumés appartenir au moulin, même si leur sol n’est pas cadastré. Par ailleurs, il est conseillé d’inscrire que le propriétaire jouit d’un droit de passage le long du bief pour assurer ses obligions d’entretien, et du droit de dépôt des produits de curage sur les francs-bords (la parcelle traversée par le bief sera ainsi grevée d’une servitude d’accès qui devra figurer explicitement sur l’acte de vente afin de préserver les droits du moulin) .

Afin de prévenir l’apparition de litiges ultérieurs, il est possible de demander au service du cadastre d’attribuer un n° de parcelle spécifique au bief et autres canaux du moulin, et de faire rattacher ladite parcelle à la propriété du moulin. A défaut la mention suivante peut être portée dans l’acte « le propriétaire du moulin acquittera la taxe foncière sur le bief, dans toute l’étendue du remous ». L’intervention d’un géomètre peut être souhaitable afin de définir très précisément les limites de propriété du moulin et de ses abords.

Il importe d’être très vigilant au moment de la rédaction de l’acte d’acquisition d’un moulin : il faut bien vérifier les limites de sa propriété, et s’assurer que ce que l’on signe d’une part est bien conforme à la réalité sur le terrain, d’autre part permettra de faire valoir ses droits à l’utilisation de l’énergie hydraulique constituant la définition même du moulin.

Dernier conseil aux futurs acquéreurs d’un moulin :

Un moulin n’est pas une simple bâtisse au bord de l’eau, et acheter un moulin n’est pas un acte banal : vous en tirerez beaucoup de satisfaction, mais vous pourrez avoir besoin de conseils qualifiés pour une restauration, vous aurez aussi parfois besoin de vous battre pour faire reconnaître vos droits.